Woerth La lettre manquante

Dans quelles conditions la Légion d’honneur fut-elle attribuée à Patrice de Maistre ? Un courrier introuvable intrigue particulièrement les enquêteurs.

Une mention manuscrite sibylline et un feuillet manquant relancent les interrogations sur le rôle joué par Nicolas Sarkozy dans le feuilleton politico-judiciaire qu’est devenue l’affaire Woerth-Bettencourt.

Comme Le Vif/L’Express et Le Canard enchaîné l’ont révélé début septembre, le c£ur de l’énigme porte sur un courrier que les policiers de la Brigade financière et le procureur Philippe Courroye ont exhumé, en août, des registres du bureau des décorations, au ministère français de l’Intérieur. Cette lettre, signée d’Eric Woerth et datée du 12 mars 2007, était adressée au ministre de l’époque, et candidat à l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy. Elle avait pour objet d’appuyer la demande de Légion d’honneur de Patrice de Maistre, dona- teur de l’UMP et gestionnaire de fortune des Bettencourt.

Ce document, sur papier à en-tête d’une association de soutien au candidat Sarkozy, renforce les soupçons de trafic d’influence : l’attribution du ruban rouge était-elle la contrepartie du financement politique ? Eric Woerth, qui est alors le trésorier de la campagne, se montre en tout cas très bienveillant. Une mention manuscrite, commençant par  » Cher Nicolas « , laisse peu de doutes sur le sens de sa démarche en faveur de l’homme d’affaires. D’autant que Woerth insiste : il  » serait bien « , écrit-il, de donner une suite positive à cette demande. Avant de conclure, à l’intention du futur président :  » Je t’en reparle. « 

Les policiers la cherchent partout

Depuis, les enquêteurs ont entendu Laurent Solly, chef de cabinet de Nicolas Sarkozy en mars 2007 qui a exclu toute intervention de Nicolas Sarkozy. Ce dernier n’aurait jamais eu connaissance du courrier d’Eric Woerth : le cursus professionnel de De Maistre correspondant davantage aux critères d’attribution du ministère de l’Economie et des Finances, son dossier aurait été aussitôt redirigé vers Bercy. Il reste à savoir pourquoi Nicolas Sarkozy n’aurait pas été avisé d’une lettre qui lui était directement adressée par son propre trésorier de campagne, portant sur l’un des principaux donateurs de l’UMPà Le  » Je t’en reparle  » serait-il demeuré sans suite ?

Un autre mystère intrigue les enquêteurs. Dans sa lettre, Eric Woerth affirme en effet joindre trois pièces en annexe : un curriculum vitae de Patrice de Maistre, une photocopie de sa notice biographique au Who’s Who, et une lettre que lui a adressée ce même de Maistre. Or cette lettre est aujourd’hui introuvable ! Elle ne figurait pas dans les documents récupérés en août à l’Intérieur. Que contient-elle au juste ? Pourquoi a-t-elle disparu ? Les enquêteurs la cherchent partout, y compris au siège de l’UMP, où leurs investigations, le 8 septembre, n’ont rien donné.

éric Pelletier et Jean-Marie Pontaut

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