Wim Delvoye : ordures à prix d’or !

Dernier volet de notre sérié d’été sur une pratique artistique contemporaine qui suscite la polémique : la Cloaca Factory. Wim Delvoye convoque l’absurde en vendant – naturellement hors de prix – des excréments !

Plus qu’un provocateur, Wim Delvoye (Wervik, 1965) dérange, confrontant sans cesse l’obscène et l’impur aux notions de beauté, d’hygiène ou de religion. Dès lors, nombre de ses £uvres présentent un caractère hybride, perturbant. Dans son  » Art Farm  » en périphérie pékinoise, l’enfant terrible élève une vingtaine de cochons qu’il fait tatouer… Marqués des sigles  » Vuitton « , d’un  » Mr Propre  » ou de personnages tirés de Walt Disney, ces porcs sont les parfaits exemples de cette dualité symptomatique de Delvoye. Et si l’on fait abstraction du caractère subversif de ces  » £uvres « , on ne peut ignorer la polémique sur les traitements infligés aux animaux et les limites éthiques de l’art contemporain. Mais c’est un autre débat. Quoi qu’il en soit, ceux qui douteraient déjà de l’extrême pertinence de sa démarche auront probablement quelques difficultés à digérer ce qui suit…

En 2000, Wim Delvoye présente Cloaca, une installation biotechnologique qui reproduit – avec l’apparent sérieux d’un laboratoire scientifique – le cycle complet de la digestion des aliments, de l’ingestion à la défécation. Pendant 27 heures, les aliments circulent à travers des estomacs de verre contenant enzymes et autres bactéries. Cela procure une sensation très particulière. En suivant la progression des diverses substances, on prend brutalement conscience que cette mécanique douteuse existe à l’intérieur de nous… En bout de course, les déjections sont scellées sous vide et vendues ! Nul doute : productivité et rentabilité sont les mots d’ordre de cette machine qui ne sert qu’à fabriquer ce que tout un chacun peut produire. En juin dernier, un amateur d’art déboursait chez Christie’s 7 500 euros pour un étron produit et conditionné en 2001. Ne soyez pas étonné, ce n’est pas une nouveauté : en 1961, Piero Manzoni – piqué au vif par son père le traitant d’artiste de merde – réplique en déféquant dans 90 boîtes de conserve qu’il baptise Merde d’artiste et ça se vend au prix de l’or. Aujourd’hui, la valeur d’une conserve avoisine les 30 500 euros. Au-delà de la provocation ultime, il faut lire en filigrane de leurs démarches respectives une critique radicale de la société de consommation et de la production de masse.

Plus qu’un artiste, Delvoye fait aussi figure de marque. Parmi les produits dérivés, on trouve la poupée Wim Delvoye et ses indispensables accessoires, des tee-shirts, des livres, des posters… Virtuose du marchandising, il pousse le dispositif encore plus loin en réalisant une pub télévisée factice, à l’image des spots de téléachat vantant les mérites d’un produit miracle, où il incite les téléspectateurs à acheter ses  » merdes « . Définitivement, si  » ça  » c’est de l’art…

A découvrir prochainement : Wim Delvoye. Knockin’ on Heaven’s Door. Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, 23, rue Ravenstein, 1000 Bruxelles. Du 20 octobre 2010 au 23 janvier 2011. www.bozar.be

GWENNAëLLE GRIBAUMONT

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire