Voyage indigo

Barbara Witkowska Journaliste

Un exceptionnel déploiement d’objets d’art anciens et d’oeuvres contemporaines permet à la Fondation Boghossian d’évoquer les traces de l’ancienne Route de la soie à travers la couleur bleue. Spectaculaire !

« Le thème des périples, ces longs voyages vers l’Orient qui n’ont pas de fin, m’a toujours intéressée, explique Diane Hennebert, directrice de la Fondation Boghossian, à Bruxelles. On savait quand on partait mais pas quand et comment on allait y arriver. Prenons, comme lieu de destination, la Chine. Les itinéraires qui y menaient étaient multiples, changeant en fonction des saisons, des intempéries ou encore des brigands ! Un autre exemple : Alexandre le Grand. Il a effectué des trajets hallucinants ! Dans les temps anciens, chaque voyage était un périple. Nous avons perdu ce sens du voyage. Aujourd’hui, ce qui est fascinant, ce sont les périples de retour. Enormément de gens quittent l’Orient pour venir en Europe. Ces exils s’opèrent dans des conditions souvent dramatiques, sous la pression des guerres ou des situations économiques désastreuses. Cela dit, ces périples modernes s’accompagnent aussi d’une très grande expression artistique. Je tiens à le souligner car c’est très important ! »

Quand on évoque ces voyages d’hier et d’aujourd’hui, la couleur bleue s’impose d’office, partout. L’indigo est la couleur de l’Orient et de ses textiles. On pense au ciel et à la mer, aux céramiques bleues de l’Empire ottoman et de l’Asie centrale, aux bijoux en lapis-lazuli et en turquoise, aux porcelaines délicates auréolées de ce fameux  » bleu de Chine « . Des textiles anciens, prêtés par le Musée Guimet (Paris), des céramiques d’Orient et d’Occident, des bijoux mais aussi une quarantaine d’oeuvres contemporaines et des toiles de trois figures historiques (Joan Miró, Yves Klein et Pierre Alechinsky) résument donc ce thème du voyage de la Méditerranée à la Chine à travers la couleur bleue.

Flânerie méditative

 » Fidèles à notre philosophie, nous avons travaillé dans la transversalité, en mélangeant époques, cultures et techniques, poursuit Diane Hennebert. Mais, j’insiste, ce n’est pas une exposition sur la couleur bleue, c’est une exposition sur le voyage.  » La visite est donc une longue flânerie méditative à travers le temps et l’espace, les cultures et les arts. On contemple Indigo Shadow, l’oeuvre d’Abdulrahman Katanani, réalisée spécialement pour l’exposition, à la Villa Empain. L’artiste nous rappelle que la Palestine historique était un grand producteur d’indigo depuis la nuit des temps. On fait halte devant une vitrine dédiée aux bijoux chinois en plumes de martin-pêcheur, symboles du mariage et de la fidélité conjugale. Admirablement assemblées, ces coiffes, ces boucles d’oreilles, ces épingles à cheveux, censées conférer bonheur et fidélité, créent une atmosphère joyeuse et lumineuse. Leur composition claire, leurs couleurs étincelantes réjouissent la vue. Une veste de paysanne japonaise, de la fin du XIXe siècle, évoque idéalement la fameuse nuance du bleu japonais tandis que la tiare cérémonielle bouddhiste est typique de l’esthétique tibétaine mêlant turquoises, cornalines et perles d’eau douce. Une précieuse gourde de pèlerin, bleue et blanche aux rinceaux, en faïence d’Iznik, émerveille par son habile captation de l’héritage byzantin… Blue is beautiful, comme on le dit en anglais…

La Route Bleue – Périples et beautés, de la Méditerranée à la Chine, jusqu’au 9 février 2014, www.fondationboghossian.com

Barbara Witkowska

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