Prise entre 1972 et 1974, cette photo témoigne du travail à la pellicule infrarouge. Elle donne à voir Susi Korihana thëri en train de se baigner.

Visions chamaniques

La Fondation Cartier consacre une vaste exposition au travail de la photographe brésilienne Claudia Andujar, qui a voué sa vie à la défense des Indiens Yanomami. Précieuse, son oeuvre abouche l’esthétique au politique.

Il est toujours tentant de ramener une démarche dans le giron biographique. Le cas de Claudia Andujar (1931, Neuchâtel) n’échappe pas à la règle. On ne peut s’empêcher de penser que l’extermination de son père et d’autres membres de sa famille dans les camps de la mort ait eu une incidence majeure sur son regard.

Installée au Brésil depuis 1955, elle a tout juste 40 ans quand elle pénètre au coeur de l’Amazonie à la faveur d’un reportage pour le magazine Realidade. Elle fait alors la rencontre des Indiens Yanomami, peuple indigène majeur de l’Amérique du Sud. Leur mode de vie la bouleverse, à tel point qu’elle se débrouille pour obtenir une bourse de la Fondation Guggenheim afin de mener un travail photographique approfondi sur ces hommes et ces femmes qui ne font qu’un avec la forêt. Il lui faudra deux ans pour appréhender leur vision du monde.

Malheureusement, à la fin des années 1970, la construction de la route transamazonienne provoque la destruction de communautés entières en favorisant la propagation d’épidémies. L’effroyable situation, assortie d’une menace d’extinction, alerte Andujar, qui fait le lien avec la Shoah. La photographe décide de s’engager corps et âme en faveur de la défense des Yanomami, combat qu’elle n’abandonnera jamais. Symptomatique de son approche : plutôt que de recourir au simple photojournalisme, l’intéressée adopte une démarche formelle pour faire passer le message. Ce scénario fait sens en ce que non seulement il refuse l’instrumentalisation des Indiens mais qu’en plus l’oeuvre résultante colle à une réalité marquée par le chamanisme. Son but ? Voir à travers leurs yeux, peu importe s’il faut pour cela appliquer de la vaseline sur l’objectif, utiliser de la pellicule infrarouge ou jouer avec la lumière.

A l'aide d'une sarbacane, un chaman souffle  la poudre yãkoana, un puissant hallucinogène,  dans les narines d'un jeune homme.
A l’aide d’une sarbacane, un chaman souffle la poudre yãkoana, un puissant hallucinogène, dans les narines d’un jeune homme.

Claudia Andujar, la lutte Yanomami : à la Fondation Cartier, à Paris, jusqu’au 10 mai prochain.

Ces deux jeunes femmes lavent un hocco, un oiseau endémique de la forêt tropicale, dont les plumes seront utilisées pour empenner des flèches.
Ces deux jeunes femmes lavent un hocco, un oiseau endémique de la forêt tropicale, dont les plumes seront utilisées pour empenner des flèches.
Claudia Andujar a photographié ce jeune homme, Antônio Korihana thëri, en proie aux effets de la poudre hallucinogène rituelle.
Claudia Andujar a photographié ce jeune homme, Antônio Korihana thëri, en proie aux effets de la poudre hallucinogène rituelle.
La pellicule infrarouge souligne les contours des feuilles de patate douce en avant-plan à cette maison collective (shabono) de Catrimani, Etat de Roraima.
La pellicule infrarouge souligne les contours des feuilles de patate douce en avant-plan à cette maison collective (shabono) de Catrimani, Etat de Roraima.
Drame dans la forêt tropicale : un Indien Yanomami, Wakatha ü thëri, est contaminé par la rougeole.
Drame dans la forêt tropicale : un Indien Yanomami, Wakatha ü thëri, est contaminé par la rougeole.
Marcados est peut-être la série la plus marquante de la photographe brésilienne. On y voit des Yanomami portant autour du cou un numéro servant à les identifier sur des fiches médicales, à l'occasion  d'une campagne de vaccination gouvernementale. L'analogie  avec l'identification dans les camps de la mort fait frémir.
Marcados est peut-être la série la plus marquante de la photographe brésilienne. On y voit des Yanomami portant autour du cou un numéro servant à les identifier sur des fiches médicales, à l’occasion d’une campagne de vaccination gouvernementale. L’analogie avec l’identification dans les camps de la mort fait frémir.
Cette prise de vue datant de 1974 est l'une de celles qui rendent  le mieux compte du
Cette prise de vue datant de 1974 est l’une de celles qui rendent le mieux compte du  » réel halluciné  » de cette communauté, unique et précieuse pour l’humanité, dont la population est estimée à 32 000 individus.

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