Van Rompuy Ier déjà relooké en pensée

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Au pays de Magritte, ceci n’est plus vraiment un scrutin régional. L’équipe dirigée par Herman Van Rompuy risque fort de ne pas sortir indemne du verdict des urnes. Dans quel état le gouvernement fédéral survivra-t-il à l’épreuve ? S’il survit…

Plongé dans un coma artificiel prolongé, atteint de paralysie quasi généralisée, nul ne se hasarde plus à supputer ses chances réelles de survie. Ou à imaginer la façon dont il pourrait se remettre sur pied. Le gouvernement fédéral fait peine à voir. Mais celui qui l’incarne, le Premier ministre, Herman Van Rompuy (CD&V), sait souffrir en silence. Le sphinx ne doit guère se forcer pour rester impassible au balcon, à contempler ses congénères s’agiter à l’approche d’un scrutin qui, en principe, ne le concerne en rien. Tous les partis en campagne sont déjà occupés à remanier avant l’heure une coalition fédérale en sursis. L’emballement est venu du sud du pays. Et de la rupture consommée entre PS et MR dans la lutte pour le pouvoir en Wallonie et à Bruxelles. Les paris sont ouverts. Mais les options ne sont pas légion.

Retour aux urnes à l’automne ?

Van Rompuy Ier inchangé. L’actuel ménage à cinq (CD&V-Open VLD- MR-PS-CDH), déjà bancal, a du plomb dans l’aile dans les pronostics. Tous les regards convergent vers le maillon présumé le plus faible de la chaîne gouvernementale : le PS, pour autant qu’il se ramasse aux élections. Les socialistes sentent déjà qu’ils gênent au fédéral. Leur ennemi juré sait y faire pour confirmer la chose. La lourde insistance du président du MR Didier Reynders à rappeler qu’  » il ne retient vraiment personne  » sonne comme une invitation glaciale à ce que les socialistes débarrassent le plancher. Sur le versant nord de la coalition, le ministre Open VLD des Affaires étrangères, Karel De Gucht, ne dit pas vraiment autre chose lorsqu’il avoue même préférer la… N-VA aux socialistes au sein du prochain gouvernement flamand. Une tripartite classique, réunissant les trois familles politiques traditionnelles, s’éloigne. Déjà dans l’opposition au fédéral, on voit mal ce qui pousserait un SP.A toujours aussi peu vaillant à revenir dans le parcours. Un parti fait grise mine à l’idée de voir l’attelage actuel perdre le PS : le CD&V, conscient qu’une majorité des deux tiers indispensable à sa sacro-sainte réforme de l’Etat, deviendra encore plus hasardeuse.

Van Rompuy II sur un faux air de Jamaïque. Exit le PS, en cas de lourde défaite ? Dans ce cas, revoilà l’orange bleue (libéraux-chrétiens démocrates et humanistes) chère à Reynders mais mort-née après le scrutin de juin 2007. Or la formule, à un siège près, ne fait toujours pas une majorité à la Chambre. Du coup, certains imaginent d’appeler en renfort au fédéral le grand vainqueur pressenti du scrutin en Wallonie et à Bruxelles, Ecolo. Lequel pourrait emmener dans son sillage un parti Groen ! requinqué. Bleue-orange-verte : la nouvelle coalition dite jamaïquaine pourrait relancer un Van Rompuy II. Surtout si cette configuration devait correspondre à ce type de majorités mises en place en Flandre et en Communauté française. Mais la vie de ce gouvernement fédéral resterait tout sauf un long fleuve tranquille. L’Open VLD ne se sent vraiment guère d’affinités avec Groen ! Et Ecolo embarquerait dans une galère où il risquerait de s’échouer sur les écueils de la régularisation des sans-papiers ou de la sortie du nucléaire. Les verts francophones calent.

Retour aux urnes à l’automne. Régulièrement évoqué, un rendez-vous anticipé avec un scrutin fédéral (normalement fixé à 2011) flanque la frousse à toutes les formations traditionnelles. Quel parti prendrait le risque de céder à la tentation d’une redistribution précipitée des cartes qui pourrait mener à l’aventure ? La peur, le meilleur gage de survie de Van Rompuy. Triste programme, dans tous les cas de figure.

PIERRE HAVAUX

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