valeur refuge

2008 brûle ses dernières cartouches… Avant d’être avalé tout cru par 2009, jetons un £il dans le rétro pour dissiper le brouillard qui enveloppe l’horizon. Encore une année bien chargée. Au tempo endiablé. Tant de choses à voir, à lire, à entendre, à découvrir, à humer, à soupeser, à adorer ou à détester que le temps s’est comme contracté, densifié, accéléré. Du moins du point de vue privilégié de l’amateur de culture, balisée ou hors piste. Car pour le banquier, c’est évidemment autre chose. Il doit avoir l’impression depuis quelques mois d’écoper le torrent des jours à la petite cuillère… Entre les festivals, les expos, les concerts, les spectacles, les films, les DVD et les livres, auxquels il faut désormais ajouter la palette hautement chronophage et addictive des loisirs numériques – des jeux vidéo au bric-à-brac décoiffant du Net -, les tentations à coloration culturelle atteignent aujourd’hui des sommets. Conséquence : le temps libre de chaque individu est plus convoité que la nouvelle collection Comme des Garçons de H&M. Vertige des grands espaces. L’abondance est un tourment pour la conscience et une plaie pour l’ego. Vouloir butiner toutes les fleurs du pré(sent), c’est un peu comme sprinter un 10 000 mètres. On se met forcément dans le rouge, et à tout moment, on redoute de ne pas pouvoir suivre la cadence. Mais c’est le prix à payer pour espérer repérer les glissements de terrain. Au fil d’une année d’immersion intensive dans le bouillon culturel, on a ainsi enregistré plusieurs mouvements tectoniques susceptibles de modifier en profondeur le paysage. A commencer par le syndrome Wash and Go. En référence au célèbre slogan  » Deux en un « . Sauf qu’on est passé à trois, voire quatre en un. Un film sorti des grands studios se voit ainsi automatiquement flanqué d’une adaptation en jeu vidéo (ou vice versa), d’une autre en bande dessinée et de la réédition du roman qui a servi de détonateur. C’est ce qui s’appelle avoir de la suite dans les idées. Même si le résultat est aussi aléatoire qu’une promesse de jours meilleurs. Autre séisme : la disparition progressive des intermédiaires. La musique essuie ici les plâtres. Ou plutôt abat les cloisons. Encouragés par le Net, les groupes, connus ou non, empruntent les raccourcis pour arriver aux oreilles de leurs ouailles. Au grand dam des maisons de disques qui prennent l’eau de partout. Les piliers vacillent. Les lignes bougent. Ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle. La créativité jaillit dans les failles, les interstices, se nourrit des frottements, des frictions. Même la Mecque du cinéma, Hollywood, cède du terrain par rapport à sa version kitsch et exotique, Bollywood. De grands noms comme Spielberg passent à l’extrême Est avec armes et bagages. Et la crise, comment affecte-t-elle tout ce petit monde ? Elle imbibe les esprits, repeint les humeurs en noir. Mais elle remet aussi la culture au milieu du village. On s’y réfugie pour trouver un peu de réconfort ou pour tenter d’y voir plus clair dans la purée de pois. La culture est une valeur refuge, non soluble dans le capitalisme échevelé. Elle n’est pas seulement ce qui reste quand on a tout oublié, c’est aussi notre mémoire, notre identité, notre suc impalpable en même temps que le meilleur antidépresseur. Allez, un v£u pour 2009 : que les loisirs culturels soient remboursés par la sécu…

Laurent Raphaël Rédacteur en chef

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