Une voiture à la carte

Se déplacer en voiture, sans avoir les ennuis du propriétaire: avec le multivoiturage, c’est possible. Namur se lance, la première, dans l’aventure

A force d’en entendre parler depuis plusieurs années, on aurait pu croire que le « car-sharing » était déjà sur les rails, ici ou là en Belgique. Erreur! Le « multivoiturage » ou, si vous préférez, la « voiture multiple » ne se pratique que depuis quelques jours – très exactement depuis le 13 mai – dans notre petit pays. Où? A Namur. La capitale wallonne est, en effet, la première ville belge à tenter l’aventure de la voiture disponible à la carte. L’objectif: essayer de contrôler l’emprise croissante de la reine automobile sur les routes, en diminuant le nombre de véhicules en circulation, tout en offrant les facilités de déplacement exigées par une société moderne.

Le système est simple, même si sa mise au point exige des trésors d’ingéniositépour le rendre efficace, donc attractif. Sa clé de voûte repose sur la location de voitures particulières, à la demande, à tout un chacun. Pour en bénéficier, il faut toutefois être membre de la société propriétaire des véhicules. A Namur, il s’agit de Cambio. Cet accès unique à la location coûte, en moyenne, 66 euros. Une fois cette « carte de membre » acquise (sous la forme d’une carte magnétique), il suffit de contacter un opérateur téléphonique ou un serveur vocal, disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et d’y faire enregistrer sa réservation: tel jour, telle heure (attention: il faut prévoir l’heure de retour!), tel modèle. La carte magnétique donne alors accès à la voiture, stationnée sur un parking sécurisé. A l’intérieur, une clé de contact classique attend le locataire. Et le voilà parti, nanti d’une carte de carburant, d’une assistance technique en cas de panne et d’un système GPS, qui localise la voiture à tout moment.

Le prix? Pour la formule la plus courante, l’abonnement mensuel est de 6,6 euros. A cela, il faut ajouter 1,75 euro par heure de location et 23 cents par kilomètre parcouru (tarif pour une Opel Corsa). A la fin du mois, la facture et le relevé des déplacements tombent dans la boîte aux lettres du locataire.

Révolutionnaire, le multivoiturage? Chez nous, oui. Mais l’Allemagne, par exemple, compte déjà 58 sociétés de ce type: 35 000 clients s’y partagent 1 600 véhicules. La formule est largement répandue en Suisse et aux Pays-Bas. Paris a démarré en avril 1999, avec une miniflotte de 4 voitures. Aujourd’hui, 750 adhérents se partagent 53 Renault Twingo, Clio, Kangoo ou Scénic dans 6 parkings de la capitale française. Si Namur décolle à son tour, c’est dans le cadre d’un vaste projet européen , baptisé Moses, qui met la capitale wallonne sur le même pied que Londres, Brême, Turin, Gènes, Palerme ou Stockolm.. Dans quelques mois, Bruxelles, Gand (et/ou Anvers), Louvain-la-Neuve, Marche-en-Famenne et Dinant lui emboîteront le pas.

Plutôt urbain,le multivoiturage est surtout destiné aux déplacements de courte ou de moyenne durée. Il vise prioritairement ceux qui roulent moins de 15 000 kilomètres par an et qui, dissuadés par l’impact de l’automobile dans le budget du ménage (en moyenne, 13% du total des dépenses), sont tentés de se passer d’un second véhicule. Il se veut, aussi, complémentaire avec les transports publics et… le vélo. A Namur, l’expérience démarre en douceur: à peine 3 véhicules. Ceux-ci seront probablement vite occupés en permanence, tant par les particuliers que par l’administration et l’université, explicitement courtisés par Cambio. Mais, dès l’automne, la flotte s’enrichira de breaks, de monovolumes et de camionnettes.

José Daras, le ministre wallon des Transports (Ecolo), insiste sur le gain social de son initiative. Certes, le multivoiturage peut entraîner une économie conséquentepour ses ulilisateurs: environ 1 200 euros annuels par ménage, en moyenne. Le secret de ce gain est simple: les voitures de « car sharing » roulent beaucoup plus qu’une voiture individuelle, qui reste immobile (en moyenne) 22 à 23 heures sur 24. Mais il y a, aussi, un avantage collectif indéniable: une voiture de car-sharing est censée remplacer 6 voitures classiques. Plus fondamentalement, le car-sharing pousse son utilisateur à privilégier une utilisation parcimonieuse de la voiture, alors que la propriété classique individuelle d’un véhicule incite, au contraire, à l’utiliser au maximum , afin d’amortir les coûts fixes. Sceptique? On verra à l’expérience. Un détail, en tout cas, a son importance: les voitures namuroises seront – volontairement – banalisées à 99%, afin de respecter un certain anonymat. Le Belge, paraît-il, déteste se singulariser dans une voiture de location. Nous en serions donc toujours là, en termes de mobilité alternative?

Ph.L.

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