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« Une taxe très risquée pour un petit pays comme la Belgique »

Si les banques ne veulent pas de la TTF, c’est parce que cette taxe serait contre-productive, risquée même pour la Belgique, selon Rodolphe de Pierpont.

Les banques belges sont-elles opposées à la TTF?

Sur la proposition actuelle, celle de la Commission Barroso, oui, c’est clair. D’abord parce qu’il s’agirait d’une taxe aveugle, c’est-à-dire sur tout ce qui se passe sur les marchés financiers. Ensuite, parce qu’il n’y a pas unanimité sur le projet même, mais une coopération renforcée de quelques Etats. On créerait donc deux zones différentes au sein de l’Union. C’est en contradiction avec le projet d’union bancaire et des marchés des capitaux. Et cela risque de poser de gros problèmes pour la Belgique qui est un petit pays à l’économie très ouverte, donc en interaction forte avec ses voisins directs dont deux – les Pays-Bas et le Luxembourg – ne sont pas favorables à la TTF.

S’il est utile de lutter contre la spéculation, l’arme fiscale n’est pas le meilleur moyen pour y parvenir.

Mais l’unanimité des Vingt-Sept est difficile à atteindre.

C’est vrai, je le reconnais. Pourtant, si les Vingt-Sept n’avancent pas ensemble sur ce genre de programme fiscal, cela reviendra à se tirer une balle dans le pied. En outre, le rendement annoncé de la taxe a été calculé à partir d’une projection statique, sans considérer des changements de comportement et des déplacements géographiques. Pas certain donc que ce rendement correspondra à la réalité. Sans parler du Brexit, la City de Londres étant la plus grande place financière du monde.

Une taxe de 0,1%, cela ne paraît pas beaucoup. Trop pour les banques?

C’est effectivement, a priori, un petit pourcentage. Mais, dans de nombreux cas, cela peut coûter cher lorsqu’il y a des opérations en cascade, pour un fonds de pension, par exemple, qui doit faire des opérations d’achats-ventes régulières, à des fréquences parfois rapprochées, afin de sécuriser ses investissements. On va mettre du sable dans les rouages, alors que les marchés financiers doivent fonctionner de manière bien huilée pour assurer les investissements qui peuvent s’avérer importants pour l’activité économique.

Au départ, la TTF est destinée à lutter contre la spéculation financière. Utile?

Il est difficile de définir ce qu’est la spéculation. Où se trouve la limite entre jouer en Bourse et investir de manière productive? En tout cas, si l’on juge utile de lutter contre la spéculation pour prévenir les comportements à risque et les bulles financières, l’arme fiscale n’est pas le meilleur moyen d’y parvenir. Il vaut mieux jouer sur la régulation, comme on l’a fait ces dix dernières années.

Exempter du remboursement du plan d’urgence de l’UE les pays qui souscriront à la taxe, n’est-ce pas un bon argument?

C’est un jeu politique pour amadouer les Etats avec des arguments budgétaires, mais ce n’est pas comme cela qu’on fait une politique qui a du sens. Ce dont on a besoin pour la relance, ce sont des investissements. Il va y avoir un besoin de financements et de crédits tant pour les secteurs privé que public. On parle de milliards d’euros. Or, ce sont les marchés financiers qui font le lien entre investisseurs et projets à financer. Leur imposer une nouvelle taxe serait contre-productif.

La TTF n’est-elle pas un juste retour des choses, après le renflouement des banques en 2008?

Certaines banques ont été aidées, individuellement. Les plus grosses certes, mais pas toutes. Ce n’était donc pas une opération structurelle comme le serait la taxe. Et c’était avant tout pour protéger les épargnants. On oublie que ces aides d’Etat ont été cher payées par les banques concernées: KBC a remboursé deux fois le montant reçu. Je sais que c’est un argument avancé par Pierre Larrouturou. Mais je trouve le député trop dogmatique, pas assez pragmatique, cela dit sans juger de ses intentions qui sont sans doute très bonnes.

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