Mélanie Geelkens

« Une sacrée paire de jambes »

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

« Je l’aimais bien, elle, avant. Mais là, elle m’énerve, à toujours mettre des trucs au ras des fesses. » Entendu lors d’un souper familial (1), tandis que la télé traînait sur la RTBF et la caméra sur les jambes collantées de Joëlle Scoriels, en train de faire un 69 sans chichisavec une personnalité.

En short trop court, donc, selon l’universelle jauge visuelle féminine. Celle-là même qui avait poussé Marie-Louise (2), téléspectatrice d’un débat politique sur RTL-TVI, à décréter qu’une blouse nécessitant le port d’un soutien-gorge sans bretelles était  » une tenue vraiment indécente (et de toute façon vous êtes juste là pour dire des imbécillités) « , alors que la maquilleuse de cette même émission avait susurré que,  » pour un dimanche matin, ça faisait quand même beaucoup de chair « . Amen.

Qu’un animateur télé australien porte le même costume chaque jour, tout le monde s’en bat la paire. Au bout d’un an sans réaction, Karl Stefanovic avait fini par révéler lui-même son intentionnelle et revendicatrice monotonie vestimentaire, en soutien à ses collègues présentatrices.  » Les femmes sont attaquées pour avoir porté la mauvaise couleur […], fustigeait-il dans le Sydney Morning Herald. Moi, je suis jugé sur mes interviews, mon sens de l’humour, comment je fais mon travail.  » Ainsi soient-elles.

Pourtant, même Angela Merkel ne peut guère se fringuer à sa guise. Pour peu qu’elle  » porte quatre fois le même blazer en deux semaines, les lettres commencent à affluer « , confiait-elle, en janvier dernier, dans le Zeit. Alors, entre une négociation sur le Brexit et une loi sur les migrants, la chancelière allemande répond à ces  » gens normaux  » outrés par la couleur de son chemisier, parce que,  » évidemment, (elle doit) gérer ce genre de réactions « . Evidemment.

Pure hypothèse, mais serait pas trop étonnant que ces gens normaux soient surtout des meufs normales. Non que les frusques n’émeuvent pas certains mecs, moins pour leur fréquence que pour leur décence.  » Une femme ne devrait pas s’habiller n’importe comment en présence d’un homme « , nous confiait récemment – et sérieusement – l’écrivain Jean Gabard, souvent qualifié de masculiniste mais qui conteste l’être. Parce que, bon, hein, le désir sexuel et la frustration, tout ça, tout ça, puis  » on n’est pas pareil, tout simplement « . Toutes en burqa, youpie ! La connerie est unigenre. Mais il faut bien admettre que la jalousie, la perfidie, la rivalité sont des arts où le féminin excelle.

 » Eduquées pour plaire aux hommes et pour être en compétition avec les (autres) femmes.  » Diagnostic de la réalisatrice féministe Céline Sciamma, dans M. Depuis toutes petites, en fait. Les sports de fillettes, c’est danse, gym, natation, tennis. Le collectif est laissé aux garçons. Les jouets, c’est poupées, des Barbie, celles qui rendront vertes les copines. Et qui séduiront Ken. Les films d’ado, c’est comment devenir la plus populaire des écolières et parvenir à choper le plus beau du lycée.

Peut-être est-ce en tapant à onze dans un ballon que les hommes acquièrent cette fraternité. Cette capacité à s’entraider qui traverse souvent leur carrière professionnelle. Les femmes politiques le répètent : ce qui leur fait généralement défaut, c’est la sororité. Pouvoir compter sur les autres, se renvoyer l’ascenseur, se réunir dans les lieux informels où se prennent les décisions. En France, le collectif Deuxième regard s’est constitué précisément pour permettre aux réalisatrices, actrices, productrices de prendre leur place dans le monde du cinéma. Grâce à elles, 82 femmes grimpaient les marches cannoises lors du festival 2018. Plus rivales, mais alliées. Changement d’état d’esprit. Alors, Joëlle Scoriels, vos jambes sont magnifiques et vos 69 sont super. Bisous.

(1) Je t’aime, Maman.

(2) Mes respects, Madame.

Girl Power

Ne l’appelez pas  » le collectif « , mais  » la collective « , svp. Question de cohérence : faudrait pas plaider pour la féminisation des lieux publics et ne pas se l’appliquer. L’une des premières actions de  » Noms peut-être « , c’était en 2018, à l’ULB, où quasi tous les amphis portaient de mâles patronymes. Depuis, ce groupe de militantes s’est lancé dans les balades féministes. A l’occasion des récentes  » journées du matrimoine « , elles ont renommé symboliquement des artères bruxelloises. Genre  » rue Aoua Keïta  » (femme politique malienne) plutôt qu’Antoine Dansaert. A l’époque, l’université avait rebaptisé quatre amphis. Coucou, la Ville ?! C’est pas comme si seuls 4 % des rues de la capitale portaient des noms de femmes…

3,5 %

d’entreprises françaises (de plus de 250 salariés) respectent parfaitement la parité salariale… Voir le verre à moitié plein, là, ça devient compliqué. En septembre, le gouvernement français publiait les résultats de son  » index de l’égalité professionnelle « , réalisé auprès de 4 772 firmes. Parmi lesquelles 17 % sont  » en alerte rouge « , ayant obtenu une note inférieure à 75 sur 100, calculée selon cinq critères. En moyenne, les sociétés ont obtenu un score de 82. A quand une analyse similaire en Belgique ?

C’est pas gagné

Une proposition d’interview, comme les journalistes en reçoivent par tonnes. Le psychologue canadien Yvon Dallaire à Bruxelles les 9 et 10 octobre ! La  » référence en thérapie conjugale et sexuelle « , vante Cinna, son agence de com. Qui oublie de préciser que l’auteur est une figure de proue du mouvement masculiniste, pour qui le secret d’un couple heureux, c’est une femme soumise. Alors, pour l’interview, merci, sans façon.

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