Mélanie Geelkens

Une sacrée paire d’aisselles: « Eux, même si leur service trois pièces ressemble à une forêt vierge, ils n’hésiteront jamais à le déballer. Pas elles »

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Et vas-y qu’elle en tartine, avec sa spatule ! Sur les cuisses, sur le torse, dans les trous de nez… Une sorte de gel légèrement phosphorescent, qui se décolle gaiement de la peau comme s’il n’y avait jamais adhéré. Impossible d’ouvrir Instagram sans l’apercevoir, cette pub-là. Le Covid-19 fut apparemment une aubaine marketing inespérée pour les fabricants de cire à épiler. Tous ces poils libres de pousser et plus aucune esthéticienne disponible pour les arracher !

Les femmes allaient ressembler à des yétis, hi hi ! A Chewbacca, ha ha ! Hilarantes, vraiment, toutes ces blagues sur leur pilosité. La vie se met en pause durant deux mois et tout le monde s’inquiète de l’allure de leurs aisselles. Comme s’il n’y avait pire infamie qu’être confinées le maillot velu et le mollet duveté.

Leurs toisons n’ont jamais été une affaire personnelle, de toute façon. Ni au siècle dernier, lorsqu’il fallait les dissimuler parce que les frisottis pubiens érotisaient. Encore moins de nos glabres jours. Mode récente : la première playmate intégralement épilée remonte à 2001, en fait. Dalene Kurtis, franchement, quelle idée ! Depuis que toute l’industrie du porno t’a copiée, trop de filles imaginent que leur pubis doit avoir l’air prépubère pour être désiré. Et trop de vieilles y voient un moyen de se rajeunir.  » Lissitude  » ultime, parfois même jusqu’entre les fesses (aïe ! ). Comme un symbole de disponibilité sexuelle absolue.

Une femme sur deux aurait déjà renoncé à un rapport sexuel parce qu’une partie de son corps n’était pas complètement douce au toucher. Peut-être qu’ils s’en foutent comme de leur premier slip, les partenaires copulatoires. Eux, même si leur service trois pièces ressemble à une forêt vierge, ils n’hésiteront jamais à le déballer. Pas elles. La supposée révulsion est à ce point ancrée qu’elles n’oseront même pas évoquer leur impréparation. Ni s’offusquer de celle de l’autre.

Le poil féminin, ce puissant outil de contrôle de leur sexualité. D’abord en interdisant aux jeunes filles de se raser, parce que l’âge de copuler ne semble pas encore arrivé. Ensuite en les empêchant de s’en passer, sous peine d’être condamnées à l’abstinence. C’est comme ça qu’on les voit, celles qui sont touffues d’en dessous les bras. Non désirables. Non désirées.

Des féministes enragées. La pilosité est devenue politique. Presque dichotomique. Entre les peureuses et les courageuses, les soumises et les libres. D’un côté, celles qui la fuient de peur de ne pas se faire aimer. De l’autre, celles qui l’assument comme si elles s’en foutaient. Et qui l’affichent. Sur les réseaux sociaux, les aisselles teintées. Regardez, ma belle aine touffue ! (Et surtout, likez-moi, hein !)  » Je veux simplement parler de la façon dont ça m’a aidée à devenir plus à l’aise avec moi-même et inspirer d’autres personnes à faire quelque chose qui puisse les rendre confiantes « , témoignait, en 2017, une blogueuse fitness qui n’avait plus croisé de rasoir depuis un an. Selfies à l’appui, de son corps parfaitement musclé et ses abdos admirablement tracés. Drôle d’affranchissement des standards.

Paradoxal poil. Conspué et glorifié. A en oublier qu’au fond, il est naturel. Qu’elles l’éradiquent ou qu’elles l’exposent, les femmes seront toujours critiquées. Elles ont finalement l’habitude, c’est pas près de changer. Puissent-elles faire de leur (non) pilosité une arme. Celle de leur choix : outil d’érotisation ou vecteur de résistance. Plus de bonnes élèves ou de mauvaises. Liberté consciente.

C’est pas gagné

Le colis est arrivé par la poste, juste avant la  » rentrée  » scolaire. De la part de la Fédération Wallonie-Bruxelles et commandé par la commune (d’Etterbeek) : un masque au tissu orné de… petites voitures. Ben oui, c’était pour un garçon. Les filles, elles, en ont reçu un dans les tons de rose. Les clichés, ça ne s’apprend jamais assez tôt.

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Une sacrée paire d'aisselles:
© GETTY IMAGES

Le nombre de semaines de congé de maternité pour les travailleuses enceintes, en Belgique. La commission des Affaires sociales de la Chambre a adopté le 12 mai une proposition de loi supprimant la condition qui était liée à ces 15 semaines : avoir travaillé les semaines précédant l’accouchement. Si elles étaient absentes, pour maladie notamment, leur congé postnatal était réduit. Désormais, le texte ayant effet rétroactif au 1er mars 2020, les périodes de chômage temporaire et de maladie sont assimilées à des périodes de travail pour assurer 15 semaines de congé de maternité.

À gagner

 » Le féminisme n’avancera pas tant qu’il n’aura pas revalorisé le travail domestique. Il y a une guerre des valeurs à mener avec le système patriarcal et capitaliste à cet endroit. Peut-être que la période de confinement que nous traversons peut aider à revaloriser ce travail domestique, à construire les mères comme sujets politiques, à mettre en lumière ce travail domestique élargi au-delà du foyer, au-delà de la famille, dans sa dimension politique.  » La sociologue française Maud Simonet, à Axelle, le mensuel féministe belge.

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