Une réalité qui dérange

Ancrer la création artistique dans la réalité sociale. Voilà l’objectif d’artistes du XIXe siècle qui, sous l’impulsion de Gustave Courbet, chercheront à peindre ce qu’ils voient : la précarité… Démonstration à Bruxelles.

Février 2013. L’Origine du monde (1866), tableau  » polémique  » de Gustave Courbet (1819-1877) – représentant un sexe féminin s’abandonnant à tous les regards – trouvait un visage ! Instantanément, cette découverte troublante replace l’oeuvre impudique au-devant de l’actualité. Hasard du calendrier, les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, à Bruxelles, programment en ce moment une exposition dédiée à la réception de Courbet en Belgique.

Retour vers 1850. L’Europe subit une série de révolutions auxquelles s’ajoute une grave crise agricole. Dommage immédiat : une montée du chômage spectaculaire. Dans cette atmosphère pathétique émerge un courant artistique s’intéressant de façon attentive à la classe ouvrière, aux gens ordinaires et à leurs problèmes : le réalisme social.

S’articulant autour d’oeuvres appartenant aux collections du musée, cette  » expo-focus  » tente de mettre en lumière les séjours effectués par le peintre français, chef de file du réalisme, en Belgique, sa participation aux salons de notre pays mais aussi l’impact de son oeuvre, de sa personnalité et même de sa fortune sur les jeunes artistes, les collectionneurs et les marchands d’art belges.

Le parcours s’organise en trois temps. Le premier aborde l’émergence du réalisme en Belgique à travers ses peintres qui ont dépeint les classes dites  » populaires « . Pièce marquante, la toile de Joseph Stevens intitulée Bruxelles, le matin (1848). Dépeignant quelques chiens errants, l’artiste entend évoquer sans fard – et avec un regard profondément novateur – la réalité du monde qui l’entoure. La deuxième partie explore les relations entre nos artistes et Gustave Courbet. L’accrochage propose différentes confrontations entre des oeuvres belges et des reproductions de tableaux du peintre français. Des associations agréables sinon amusantes tant les ressemblances nous paraissent flagrantes. Enfin, la sélection souligne l’influence de la Société Libre des Beaux-Arts, fondée à Bruxelles en 1868.

En conclusion, derrière le nom accrocheur de Courbet se cache surtout une entreprise abordant en surface la question du réalisme social. On regrette le manque de balises théoriques et l’absence de tableaux plus éloquents… Et pour cause : cette présentation n’est autre qu’un  » focus  » : terme à la mode dans les institutions muséales pour qualifier une petite exposition qui valorise ses propres collections en isolant quelques oeuvres ou en les recontextualisant différemment. Courbet et la réception du réalisme en Belgique est indéniablement un sujet riche et passionnant. On regrette dès lors que les Musées des Beaux-Arts ne lui aient pas réservé un bel et grand événement – à la mesure de Kandinskyqui a déjà attiré quelque 40 000 visiteurs ! – plutôt que de le réduire à une mise en bouche (deux petites salles), certes délicieuse, mais qui nous laisse un goût de trop peu.

Courbet et la Belgique. Réalisme de l’  » art vivant  » à l’  » art libre « , Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, 3, rue de la Régence, à 1000 Bruxelles. Jusqu’au 11 août. www.fine-arts-museum.be

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

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