Une question métaphysique et non scientifique

Lors d’un entretien télévisé, à la question :  » Professeur Jung, croyez-vous en Dieu ? », Jung a répondu :  » Je ne crois pas, je sais.  » Connaissant le parcours intellectuel de Jung, il est évident qu’il ne voulait pas dire par là qu’il sait que Dieu existe (il était agnostique et empiriste), mais qu’il sait que la croyance en Dieu est un phénomène (un fait) psychologique universel qui existe depuis des millénaires. Et que la seule chose qu’on puisse faire, c’est d’essayer, en toute honnêteté intellectuelle, de comprendre psychologiquement ce phénomène, au lieu de le minimiser ou de le dénier comme une illusion. C’est la seule attitude scientifique correcte . Emmanuel Kant, au xviiie siècle déjà, avait définitivement démontré que la métaphysique était totalement inapte à démontrer rationnellement l’existence ou la non-existence de Dieu, car c’est une question métaphysique et non scientifique, puisque le concept de Dieu en tant que tel est un phénomène qui échappe totalement à toute observation et à toute expérimentation. Ainsi, lorsque Richard Dawkins reprend (pour la quantième fois ?) la démonstration de l’invalidité des preuves de l’existence de Dieu de saint Thomas d’Aquin, il fait des travaux inutiles, un peu comme quelqu’un qui essaierait de démontrer aujourd’hui que la théorie de l’Univers de Ptolémée était inexacte.

Mais ce que je trouve grave, c’est l’attitude mentale qui sous-tend de telles prises de position. En effet, lorsqu’un scientifique s’acharne à démontrer  » scientifiquement  » que Dieu n’existe pas et qu’il s’efforce d’en convaincre d’autres, il se met, sans le savoir, exactement dans la même attitude mentale que les fanatiques et illuminés religieux de tout poil. Il défend une thèse épistémologiquement indémontrable que la science est le seul chemin vers la vérité, il fait preuve d’un esprit missionnaire et [entaché de prosélytisme] remontant à l’idéologie déjà lointaine du siècle des Lumières (Fuyez, ténèbres, nous avons tout éclairé !), voulant imposer sa propre  » croyance scientifique « , et donc d’un fanatisme certain. Le fanatisme scientifique me paraît en effet tout aussi dangereux que le fanatisme religieux. Je ne pense pas que ce soit là une bonne attitude mentale chez un certain nombre de  » scientifiques « , car, en fait, elle a pour unique résultat de mobiliser d’autres fanatismes, comme l’islamisme, par exemple, ou son aberrant corollaire, le créationnisme, par exemple.

n Antoine Pinterovi, professeur en retraite, psychanalyste jungien, par courriel

Je vous félicite d’avoir ouvert un dialogue/débat entre ceux qui vivent avec Dieu et ceux qui vivent sans dieu… le tout dans un esprit de tolérance réciproque. A titre de modeste contribution à cet échange de vues, je souhaite apporter la nécessaire précision suivante : faire des guerres et des tueries  » au nom de Dieu « , c’est certes une escroquerie (comme l’écrit votre lecteur M. Devlésaver), que des régimes dits communistes et athées ont commis des crimes humanitaires, c’est vraiment abominable, mais il est une différence essentielle trop vite gommée : ces abominations n’ont jamais été commises  » au nom de ou pour l’athéisme « , à l’inverse des guerres de religion camouflant des intérêts économiques ou politiques  » au nom ou pour la gloire de Dieu « , et mobilisant les foules sous cette bannière dite spirituelle…

Marcel Bolle De Bal, Linkebeek, par courriel

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