Une galerie commerçante à ciel ouvert

Pour préserver son centre-ville, Namur garde l’oil sur les promoteurs avides de centres commerciaux. Mais elle ne peut empêcher les loyers de la rue de Fer, principale artère commerçante, de flamber.

Il faut y mettre le prix, pour s’installer dans le quartier de la rue de Fer, principale artère commerçante de Namur. Et au vu des demandes et des pas de porte à offrir, seuls les petits commerçants encore propriétaires de leurs murs peuvent résister aux grandes enseignes belges et internationales. Jugez au vu de quelques montants locatifs (sans pas de porte ni transformations) piochés au hasard sur les sites immobiliers : 1 680 euros par mois pour une surface commerciale de 70 m2 sur l’artère en question ou 750 euros pour 35 m2, à deux pas de là, rue Haute Marcelle.

Dans une autre catégorie, il faudra débourser 5 833 euros par mois pour un commerce de 300 m2 situé place de l’Ange. Et pour cause : les moyennes et grandes surfaces sont plutôt rares dans la capitale wallonne. Les petits commerces au rez-de-chaussée des anciennes maisons de maître, parfois peu adaptés, se comptent par dizaines.

 » On croit souvent qu’il y a une longue liste d’attente pour ouvrir un commerce à Namur, mais c’est faux, insiste l’échevine Anne Barzin (MR). En ce moment, des dizaines d’emplacements sont disponibles. Mais bien sûr, tout dépend de ce que l’on cherche en matière de surface ou de localisation.  » Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur 1 382 emplacements en 2008, 924 étaient en activité et 265 à louer. 88 commerces ont ouvert leurs portes, 105 les ont fermées, crise oblige. Cette chute s’explique par la hausse des loyers et par conséquent, par la difficulté des indépendants à joindre les deux bouts face au pouvoir des grandes chaînes.

S’il est possible de s’installer à peu près partout dans le centre-ville namurois, le long de la rue de Fer, c’est la surenchère.  » Il y a une sur-demande, assure le bourgmestre Jacques Etienne (CDH). C’est un axe porteur, on s’en rend compte. On y a constaté une augmentation carabinée des loyers.  » Et de fait : le potentiel de chalands est évalué à 200 000 personnes par semaine ; la rue de Fer peut presque rivaliser avec certains lieux courus de Bruxelles, Liège ou Anvers.

Les atouts du centre-ville namurois : les commerces s’orientent majoritairement autour de l’habillement et du soin de la personne (vêtements, chaussures ou produits de beauté), des biens pour lesquels on n’hésite pas à se déplacer de loin. D’autant qu’en périphérie, l’offre a été corsetée par le refus politique d’accueillir tout centre commercial.

Un complexe à taille modérée pour éviter la concurrence

Selon les édiles, cette absence de galeries commerçantes ou de grandes surfaces dans la région ferait de Namur la proie de nombreux investisseurs qu’il faut canaliser.  » Notre plaisir, c’est de faire nos courses à ciel ouvert, dans un centre-ville à valeur patrimoniale, soutient Arnaud Gavroy. Les autres centres commerciaux se ressemblent tous. A Louvain-la-Neuve, ça marche, mais c’est parce qu’il n’y a que ça. Nous, nous voulons garder nos commerces dans nos maisons du xviiie siècle. Le prix des loyers permet d’en assurer l’entretien. Nos commerces sont un atout économique. « 

Anne Barzin embraie :  » Quitte à avoir un centre commercial, on aime autant garder un £il dessus. On veut quelque chose à taille modérée, qui évite de faire concurrence au centre-ville.  » Exit, donc, les mégaprojets périphériques ou celui de 35 000 m2 qui a failli naître sur la dalle de la gare. Place aux projets raisonnables. Et c’est Foruminvest qui devrait remporter le prix de consolation en installant une galerie commerçante de taille moyenne dans le bâtiment de la gare des bus, entre la rue de Fer et la gare (lire en page 139).

Du côté des commerçants, par contre, on estime que l’offre est déjà suffisante.  » On ne ressent aucun manque, assure Jean-Luc Maquet, président de l’association des commerçants. Maintenant, s’il doit y avoir un centre commercial, on préfère que ce soit à proximité immédiate du centre-ville plutôt qu’en périphérie. On peut toujours imaginer des enseignes en plus. Mais il faut bien gagner sa vie. A trop partager les chiffres d’affaires, certains commerces peuvent être fragilisés. On peut difficilement défendre la vitalité du centre-ville si on augmente la concurrence en périphérie. Quoi qu’il arrive, au centre ou à l’extérieur, cela reste une concurrence supplémentaire. Il ne faut pas surestimer les capacités du marché. Multiplier les enseignes n’a de sens que si les chiffres d’affaires suivent. Ni le pouvoir politique ni les commerçants n’ont de maîtrise sur les projets commerciaux. « 

Outre ce projet de Foruminvest, les autorités communales tiennent à revitaliser le centre de Namur dans la partie haute de la ville, un travail ayant déjà été fait dans le bas. Durant la seconde moitié de la législature, elles consacreront 300 000 euros à la rénovation de deux petites galeries urbaines. La galerie Saint-Joseph, lien piétonnier entre les rues des Carmes et de Fer et la galerie Wérenne, en face de la gare, soit la première image qu’ont les voyageurs arrivant en ville. Or dans l’état actuel, il y a de quoi en pousser plus d’un à tourner les talons.

A.-C. D.B.

La rue de fer peut rivaliser avec certains lieux courus de Bruxelles, Liège ou Anvers

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