Une force (de rire) irrésistible

Il fait du neuf avec du vieux. Mais Geluck ne se trompe jamais dans la recette du succès : extravagance, scatologie et cynisme à la louche…

Philippe Geluck affirme souvent que le quotidien d’un dessinateur humoriste requiert un mental d’acier qui n’a rien à envier à celui du US marine – comprenez que découvrir à froid, par exemple, le point commun entre un robot et une sauce napolitaine (ils sont tous deux automates), résulte d’un entraînement drastique… Notre cartooniste stakhanoviste omet pourtant de signaler qu’il est passé maître  » ès resucées de pitreries « . Ce Geluck se lâche n’est rien d’autre qu’une compilation de chroniques déjà parues dans le supplément week-end du Soir, assorties de dessins repiqués, eux, à diverses rubriques de médias français qui emploient l’auteur – notamment Drucker et Siné Hebdo. Mais… on absoudra volontiers cet énième travail de recyclage, tant il est savoureux.

Dédicacé à Benoît XVI, le livre offre, pêle-mêle, des contes sur l’ineptie de nos existences, des dialogues sans queue ni tête entre Mme Beecelaerschotenkheerenborght et M. Vanderkerksbroekensmeuleneer, des dessins inédits parce que trop trash, d’interminables listes de  » J’aime pas  » (George Bush ; qu’on me serve 200 grammes quand j’en ai demandé 150 ; le type qui m’a piqué ma place de parking mais je lui pardonne vu que j’aurais fait pareil…), suivies d’absurdes  » Saviez-vous que  » (le pharaon Aménophis IV se faisait appeler Mémèn dans l’intimité ; prendre son courage à deux mains, c’est bien, mais après on n’en a plus de libre). Toutes ces banalités empruntent à Reiser autant qu’aux calembours façon Devos. Elles culminent dans le récit des vagues à l’âme des objets qui ne servent qu’une seule fois (la désolation du préservatif, la triste fin d’un glaçon dans du vin cuit face à l’oreiller qui fait, lui, fastoche, ses 56 heures semaine), dont la débilité profonde, à notre c£ur défendant, parvient quand même à arracher de grands éclats de rire. Un Geluck, ça va, qu’on disait. Trois Geluck… allez, ça va aussi !

Geluck se lâche. Textes et dessins impolis, par Geluck, Casterman, 150 p.

V.C.

 » J’aime pas qu’on me serve 200 grammes quand j’en ai demandé 150 « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire