Une Esplanade pour le commerce

Cinq ans après son ouverture à Louvain-la-Neuve, le plus grand complexe commercial du Brabant wallon draine une moyenne de 25 000 visiteurs par jour. Un succès doublé d’un soulagement pour les commerçants locaux : loin de les fragiliser, L’Esplanade leur a amené de nouveaux clients.

En 2000, Ahmed El Azzouzi cherche un emplacement plus grand pour son magasin de vêtements à Louvain-la-Neuve. Quand il opte pour une extrémité de la place de l’Université, beaucoup le jugent téméraire : le vaste chantier qui y est programmé pour les années suivantes reléguera sa boutique au fond d’un cul-de-sac. En réalité, le patron de l’enseigne Harvard’s a déjà les yeux braqués sur la fin des travaux.  » Dès qu’ils ont démarré, mon chiffre d’affaires a fondu de moitié, se souvient-il. Mais comme j’étais situé devant l’entrée du futur centre commercial, j’étais convaincu de lendemains meilleurs. « 

Pari gagné le 6 octobre 2005 : tout juste érigée, L’Esplanade ouvre ses portes et la boutique reprend des couleurs.  » L’arrivée du complexe a drainé une nouvelle clientèle dans la ville, confirme le président de l’association des commerçants, Pierre Tasiaux. Cela se vérifie dans les enquêtes du gestionnaire de centre-ville comme dans les tiroirs-caisses.  » Une satisfaction qui tranche nettement avec l’inquiétude qui régnait avant l’ouverture du shopping.  » Nous n’avions pas d’information quant aux types de magasins qui s’y installeraient, poursuit-il. L’implantation de nombreuses chaînes, dont l’activité s’est avérée complémentaire à la nôtre, a progressivement dissipé nos craintes. « 

En gestation depuis le début des années 1990, L’Esplanade a considérablement étoffé le bâti du centre-ville : un centre commercial de 34 000 mètres carrés répartis sur deux niveaux et la rue Charlemagne, une nouvelle artère reliant la place de l’Université à la Grand-Place. Soit, au total, une surface équivalente à celle du Woluwe Shopping Center à Bruxelles.

A la veille de son cinquième anniversaire, le complexe voit encore grossir son flux de visiteurs.  » Nous continuons à progresser alors que, généralement, les centres comparables au nôtre se stabilisent après trois ans « , se réjouit sa responsable du marketing, Alexia Tilgenkamp. Son succès, L’Esplanade le tire d’une vaste zone de chalandise : elle s’étend de Waterloo à Jodoigne et, surtout, du sud de Bruxelles à Namur, ville dépourvue de semblable infrastructure. Autres explications avancées : des facilités d’accès et de parking (train, bus, voiture et vélo) et des services variés comme la mise à disposition de poussettes, la recharge de téléphone et même le prêt de parapluies. Utile, un parapluie, dans un centre couvert et fermé ?  » Oui, car L’Esplanade ne se limite pas aux 95 magasins du shopping, souligne son directeur, Sébastien Neven. Elle englobe aussi les 30 commerces de la nouvelle rue Charlemagne, ainsi que son bowling et les cinémas de la Grand-Place.  » Lesquels ont rouvert au début de l’été sous le nom de Cinescope, deux ans après avoir été fermés par l’UGC qui les exploitait jusqu’alors.

Pas de répercussions dans les villes voisines

A quelques kilomètres de là, Ottignies abrite également un centre commercial. Construit en 1974, le Douaire compte 40 magasins et 2 grandes surfaces.  » Il y a eu une baisse de fréquentation à l’ouverture de L’Esplanade, concède le fleuriste Johan Vandermaeten. Mais, passé l’effet de curiosité, la situation est revenue à la normale.  » Pour celui qui est aussi président des commerçants du shopping ottintois, cela tient à des publics relativement distincts.  » La clientèle du Douaire est plus locale et quotidienne, précise-t-il. Et puis les commerces sont différents : au contraire des chaînes de Louvain-la-Neuve, la moitié des nôtres sont indépendants, ce qui favorise la convivialité avec les clients. « 

A Wavre, le président de l’association des commerçants abonde dans le même sens :  » Beaucoup de clients déplorent un manque d’accueil et de qualité de conseil dans les grandes galeries, explique Marc-André Lambot. Selon moi, l’effet « Esplanade » se limite à un peu moins de monde dans nos rues les jours de mauvais temps. Pour le reste, si des commerces ont effectivement fermé, c’est essentiellement dû à la crise économique.  » Ce que corrobore Marie-Hellen Alefe Fiouris, gestionnaire du centre-ville :  » Beaucoup de magasins wavriens résistent à L’Esplanade en raison de leur spécialisation, explique-t-elle. Une partie de leurs produits sont d’ailleurs introuvables dans les grandes chaînes.  » En charge du commerce, la bourgmestre faisant fonction, Françoise Pigeolet, s’emploie à mettre cette spécificité en exergue :  » Chaque printemps, nous organisons « L’Art du Commerce », un salon qui permet au public de découvrir la particularité de l’offre locale, qu’il s’agisse d’un créateur de meubles ou d’un magasin d’huile et de vinaigre.  » Et l’élue MR d’insister sur la différence de clientèle entre Wavre et le centre commercial néolouvaniste :  » Pour preuve, certaines chaînes sont implantées des deux côtés « , indique-t-elle.

De l’avis unanime, si la région a digéré L’Esplanade, c’est en raison d’une offre qui s’est révélée plus complémentaire que concurrente. D’ailleurs, à en croire une étude interne de l’association des gestionnaires de centres-villes, sa principale victime serait un de ses alter ego : le Woluwe Shopping Center.

LAURENT HOVINE

une offre plus complémentaire que concurrente

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