Une bonne excuse pour faire mal

Martens et Dehaene ont pu s’abriter derrière la pression de l’Europe pour  » vendre  » les efforts à fournir. Van Rompuy doit convaincre par un argument moins palpable que l’euro dans le portefeuille : le vieillissement de la population.

. donner un sens à l’effort

> Sous Martens. Le statut d’  » homme malade de l’Europe « , qui colle à la peau de la Belgique, offre un argument imparable pour lui administrer des remèdes de cheval et la sortir du coma.  » L’Europe, c’était le parapluie que l’on ouvrait, l’argument d’autorité « , se souvient Mark Eyskens.

> Sous Dehaene. Jean-Luc Dehaene exploite le filon des contraintes européennes, balisées par un calendrier précis, pour imposer le retour à une stricte discipline budgétaire. Leitmotiv : l’accès aux bienfaits de la monnaie unique sera la récompense de tant d’efforts. Dehaene n’a jamais caché que cet objectif l’avait beaucoup aidé.

> Sous Van Rompuy. La Belgique n’est plus seule dans la dèche, elle est dans l’Europe monétaire, l’euro est dans nos portefeuilles.  » Van Rompuy ne peut plus autant jouer, comme l’a fait Dehaene, sur la crainte d’être busé par l’Europe « , estime Mark Eyskens. Il va devoir puiser « en interne » des raisons convaincantes de faire peur et mal aux gens.  » Van Rompuy se mettrait presque à regretter le bon vieux franc belge à la santé fragile quand il déclare ceci :  » Nous sommes confrontés à deux problèmes à première vue abstraits : le vieillissement de la population et la mondialisation de l’économie. Nous n’avons plus la sonnette d’alarme que Wilfried Martens et son premier gouvernement avec les libéraux ont si habilement utilisée : la menace d’une dévaluation sauvage. En 1993, nous avons à peu près fait de même lors du Plan global voulu par Jean-Luc Dehaene. Nous avons dit aux socialistes pour les persuader : faites attention, le franc flotte. Aujourd’hui, cette arme extérieure n’existe plus.  »

. frapper vite et fort

> Sous Martens. Pouvoirs spéciaux obtenus le 2 février 1982, dévaluation du franc belge le 21 février, blocage des prix décrété le lendemain. C’est à la vitesse de l’éclair, en début de législature, que se réalisent les temps forts de la politique de redressement. La coalition, reconduite en novembre 1985, récidive : dès le printemps 1986, le plan Sainte-Anne programme 200 milliards de francs belges d’économies.  » L’assainissement du budget serait réalisé dans un court délai de six mois. Il fallait aller à la vitesse du TGV alors que les partenaires sociaux n’adoptaient pas le même rythme « , rappelle Martens.

> Sous Dehaene. On joue constamment le chrono. Dehaene Ier, sur les rails en 1992, et présenté comme  » un cabinet d’urgence « , se lance sans délai dans un contrôle budgétaire d’envergure. Ficelé en novembre 1993, le Plan global est mis en £uvre à un rythme soutenu.

> Sous Van Rompuy. C’est plutôt mal barré. Van Rompuy Ier a déjà franchi le cap de la mi-législature, sans avoir encore pu aller au charbon.  » C’est le principal écueil de ce gouvernement : le calendrier très serré « , estime Gérard Deprez. Il exclut pratiquement toute thérapie de choc, mal ressentie par l’électeur, avant le scrutin de juin 2011.

. user de la manière forte

> Sous Martens. Le gouvernement recourt d’emblée et massivement aux pouvoirs spéciaux qui mettent le Parlement hors jeu. En moins d’un an, près de 200 arrêtés royaux de pouvoirs spéciaux sont adoptés. Wilfried Martens en a fait la pièce maîtresse de la réussite de son plan d’urgence :  » Le gouvernement a pu prendre, en toute indépendance, une série de mesures impressionnantes.  »

> Sous Dehaene. La technique, rebaptisée  » loi-cadre « , est ciblée sur la restructuration des entreprises publiques.

> Sous Van Rompuy. L’idée d’un retour aux pouvoirs spéciaux est dans l’air, même si le Premier ministre la repousse… à plus tard. Un bémol : limitée au seul niveau fédéral, l’efficacité d’une telle mesure pourrait être relative. n

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