Une balade végétale monumentale

Barbara Witkowska Journaliste

A Paris, sous la verrière du Grand Palais réinventée par le paysagiste Thierry Huau, les plus grands horticulteurs européens rappellent, au travers de 40 tableaux, l’importance du végétal dans la ville et dans la vie. Une pure merveille !

Le lieu choisi pour L’Art du Jardin fait rêver : les années 1900 comme si vous y étiez… Le décor Art nouveau de ce vaisseau de 8 500 tonnes d’acier, de fer et de verre, teinté d’un brin de nostalgie, est l’endroit idéal pour bâtir un pont entre un prestigieux passé et un avenir prometteur dont le dénominateur commun doit être le plaisir de mieux vivre, en symbiose avec la beauté et la nature.  » Je pense que le jardin est essentiel à notre équilibre, explique Aude de Thuin, initiatrice du projet. Pendant la crise, les sociologues parlent de valeurs de recentrage. Notre inconscient nous amène à faire cette recherche, à nous faire du bien.  »

Aude de Thuin a lancé L’Art du Jardin en 1993. Ce salon, qui a connu un énorme succès pendant dix ans, se tenait tout d’abord au parc de Saint-Cloud puis à l’hippodrome de Longchamp. En plein air, donc.  » A un moment, il est devenu ingérable, tout simplement à cause de la météo, poursuit Aude de Thuin. Mais il était devenu un événement mythique et, après sa disparition en 2003, on me demandait souvent quand il allait renaître. Je voulais que cela se fasse, à une condition : que ce soit au Grand Palais.  »

L’opportunité se présente en 2013. Monumenta, la grand-messe annuelle dédiée à l’art contemporain ayant été annulée pour des raisons budgétaires, le célèbre édifice parisien sera donc envahi par une exposition végétale… monumentale. Du 31 mai au 4 juin, le temps d’un long week-end, il sera transformé en une serre géante, totalisant 13 000 m², accueillera  » la nouvelle expérience végétale « . Un choc esthétique.  » Le concept est résolument tourné vers le futur, souligne Aude de Thuin. Nous avons l’ambition de toucher le grand public, mais aussi des professionnels, des architectes, des urbanistes et des autorités communales. Le but est de faire rêver, mais aussi de faire comprendre ce que sera la ville de demain. Pour cette première édition il fallait aussi un pays invité. La Belgique s’est imposée avec évidence. L’écriture des jardins y est absolument unique. De véritables oeuvres d’art ! On y ressent une émotion extrême. Je ne sais pas à quoi c’est dû, sans doute à la lumière et au climat… Notre invité d’honneur est Erik Dhont. Son style est très élégant, dépourvu d’ostentation. Ses créations sont intemporelles.  »

Des parfums d’ailleurs

Thierry Huau a été chargé de la scénographie de L’Art du Jardin. Le paysagiste et urbaniste français a conçu un  » envahissement par le végétal « .  » Mon combat consiste à repenser la place du végétal dans la ville, dit-il. Les gens ont de plus en plus besoin d’échapper au minéral et à toutes les pollutions. Selon moi, le jardin est l’antichambre de toutes les questions environnementales et sociales. Il est un endroit où l’on crée du lien. C’est le premier lieu où on va parler à son voisin, à ses enfants et ses petits-enfants pour transmettre le savoir et la mémoire. La mémoire collective y est très importante. L’art du jardin ne se résume pas à sa fonction ornementale. Il symbolise la notion de reconquête des espaces et la réactivation des sens.  »

Quarante pépiniéristes, français, belges, néerlandais, allemands et italiens vont célébrer cet événement si particulier. Des tableaux végétaux exposeront toutes les qualités du végétal. Les plantes ne seront pas apprêtées mais livrées brutes avec leurs mottes, leurs  » tontines  » (enveloppes de protection) et leurs bacs.  » Il y a une force et une esthétique de la plante brute que les gens ne connaissent pas « , souffle Thierry Huau. Bien entendu, il y a une thématisation, reflétée par quarante tableaux.

Quelques thèmes mis en scène par les pépiniéristes ? Japonisme (glycines, pins, érables, hortensias), La dame aux camélias, Sous le chêne, Le bois de bouleaux, Rhodos à la folie, Topissimes topiaires, Magnolias forever, A l’ombre des platanes, Oliviers légendaires, Rêve d’Orient, Rêverie du Douanier Rousseau, Bambous de Chine, Le figuier étrangleur… Devant chaque tableau, le visiteur pourra humer un parfum d’ailleurs, redécouvrir cette énergie que constitue l’arbre.  » Nous vivons dans un monde complexe et très perturbé par une crise profonde, conclut Aude de Thuin. L’Art du Jardin a pour objectif de faire changer notre regard sur la ville. Ce sera un moment de respiration, de bonheur et de partage.  »

L’Art du Jardin, Grand Palais, avenue Winston Churchill, à 75008 Paris. www.grandpalais.fr

BARBARA WITKOWSKA

 » En Belgique, l’écriture des jardins est absolument unique  »

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