Une augmentation de salaire dans la hotte du Père Noël ?

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Tandis que les négociations politiques se poursuivent, patrons et syndicats entament un autre marathon fédéral. Dans leur viseur, des mesures à prendre pour 2,6 millions de travailleurs. Et des montagnes de divergences à aplanir…

C’est un mélange des Douze Travaux d’Hercule, des 7 mercenaires, et de… Trois hommes et un couffin. D’ici à la fin du mois de décembre, pendant des jours et, sans doute, quelques nuits blanches, le Groupe des Dix ne se quittera plus. Au bout des discussions que mèneront les représentants patronaux et syndicaux, dans le meilleur des cas, un accord, que l’on dit interprofessionnel. Valable pour les années 2011 et 2012, il fixera le cadre de travail dans lequel évolueront les 2,6 millions de salariés du secteur privé : conditions salariales, formations, possibilités de congés thématiques, tout y passera, jusqu’aux éco-chèques. Vaste programme.

La tâche sera d’autant plus ardue que le gouvernement fédéral, qui donne généralement un petit coup de pouce aux interlocuteurs sociaux, est en affaires courantes. Sa marge de man£uvre politique est donc très faible. Quant à son portefeuille, dans lequel on a souvent puisé par le passé pour financer certaines mesures de l’accord interprofessionnel (AIP), il est vide. Dans ce contexte particulièrement ardu, quel sera le menu pimenté des interlocuteurs sociaux ?

Les salaires. Traditionnellement, les augmentations de salaires prévues par l’AIP sont l’addition de l’indexation prévue sur deux ans et d’un petit bonus. Mais l’heure est aux vaches maigres. Selon la bible des négociateurs, c’est-à-dire le rapport du Conseil central de l’économie, publié le 9 novembre, les salaires des Belges ont augmenté de 3,9 % ces deux dernières années alors qu’ils n’auraient pas dû progresser de plus de 3,4 % pour soutenir la comparaison avec les salaires pratiqués dans les trois pays voisins (Allemagne, Pays-Bas, France). Pourquoi les tenir à l’£il et s’aligner sur eux ? Pour éviter que les investisseurs choisissent de faire affaire ou de s’installer ailleurs qu’en Belgique, en raison d’un coût du travail qui serait trop élevé ici.

Saisissant la balle au bond, les employeurs réclament une modération salariale pour récupérer ce dérapage de 0,5 %. Idéalement, il faudrait même, pour eux, récupérer le handicap salarial qui s’est creusé entre les salaires belges et ceux des voisins depuis beaucoup plus longtemps : 3 % entre 1997 et 2010, un peu plus de 10 % si l’on remonte plus loin dans le temps.

Sur le banc d’en face, les syndicats ne veulent pas entendre parler de modération des salaires, estimant qu’il ne faut pas porter atteinte au pouvoir d’achat des consommateurs. Si les salaires doivent augmenter de 5 % les deux prochaines années dans les pays voisins, ce qu’avance le CCE, il devrait y avoir une petite marge pour négocier des augmentations de salaires, même une fois l’indexation déduite, estiment-ils.

En 2008, selon les dernières statistiques diffusées par le SPF Economie, le salaire mensuel brut moyen belge s’élevait à 2 936 euros.

L’indexation des salaires. C’est un autre sujet qui fâche. Il est hors de question, pour les organisations syndicales, de toucher à ce mécanisme complexe qui permet aux salaires d’être ponctuellement alignés sur l’évolution du coût de la vie. Un acquis précieux pour les travailleurs, certes, mais qui coûte cher aux employeurs. En 2008, alors que les prix des produits pétroliers flambaient et faisaient, dans la foulée, bondir l’inflation, les salaires avaient dû être indexés à trois reprises, augmentant au total de quelque 6 %. D’après les prévisions du Bureau du Plan, la prochaine indexation automatique des salaires devrait intervenir à l’automne 2011.

Toucher à cette indexation automatique, qui constitue une particularité belge, provoquerait certainement une levée de boucliers sans précédent. Les employeurs le savent. Ils réclament néanmoins des aménagements, à inventer encore, pour limiter l’impact de cette mesure sur les entreprises. D’après les estimations du Conseil central de l’économie, l’indexation devrait atteindre 3,9 % pour les années 2011 et 2012.

Les congés thématiques. C’est de bonne guerre : à quelques jours du début de la négociation interprofessionnelle, chaque camp dégoupille l’une ou l’autre grenade. Cette fois, les employeurs ont fait savoir que les congés thématiques (crédit-temps, congé pour soins à un membre de la famille ou pour allaitement, congé parental) compliquaient trop la gestion de leurs entreprises et que trop de salariés y avaient recours (+ 20 % en deux ans. En 2009, près de 435 000 travailleurs ont profité de l’un ou l’autre de ces congés). Les employeurs demandent une remise à plat de ces congés et une remise en cause de leurs critères.

Le statut ouvriers/employés. Les interlocuteurs sociaux en parlent depuis des années. Il s’agit pour eux d’en finir avec une distinction historique qui n’a plus lieu d’être, notamment en termes de durée de préavis et de chômage économique. Mais les syndicats veulent une harmonisation vers le haut et les employeurs ne veulent pas en entendre parler. Ce sujet est d’ailleurs au c£ur de la grève qui affecte le transporteur de fonds Brink’s depuis plusieurs semaines.

La liaison des allocations au bien-être. Théoriquement, ceci n’a rien à voir avec cela. Mais comme souvent, certains interlocuteurs sociaux profitent de l’AIP pour ficeler divers dossiers en même temps dans le cadre d’un vaste marchandage. Ils devraient dans ce cas se mettre d’accord sur la répartition de 272 millions d’euros destinés à revaloriser certaines pensions, allocations de chômage, etc.

Les écochèques Proposés depuis deux ans aux salariés pour augmenter leur pouvoir d’achat tout en soutenant la consommation de produits théoriquement écologiques, ces chèques ne semblent donner satisfaction à personne. Ni aux salariés, qui ne savent pas toujours quoi en faire, ni aux employeurs, pour qui ils coûtent trop cher. La formule devrait, au moins, être évaluée.

Les Douze Travaux d’Hercule, disait-on. Pas Les Dix Petits Nègres

LAURENCE VAN RUYMBEKE

les employeurs souhaitent aménager l’indexation automatique des salaires

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