Un tourisme à visage humain

Philippe Berkenbaum
Philippe Berkenbaum Journaliste

Lancé en 2010, le réseau des  » Greeters  » compte aujourd’hui une centaine de bénévoles à Bruxelles. Objectif : développer un tourisme plus participatif pour attirer les visiteurs hors des sentiers battus. En montrant qu’il y a autre chose que l’Atomium et la Grand-Place, sans parler de l’accueil et de la convivialité.

Le matin, Johan Burgers a donné rendez-vous à ses visiteuses place Fontainas. Deux Bretonnes, une mère et sa fille, venues passer une semaine à Bruxelles pendant les vacances de février. Elles sont là depuis trois jours, ont déjà fait les  » classiques  » : Grand-Place, Atomium, musée Magritte… Et veulent découvrir le Bruxelles du Moyen Age.  » Elles ignoraient l’existence d’une cathédrale « , sourit Johan.

Il les a promenées quatre heures et demie, des morceaux de remparts et d’enceintes à l’église du Béguinage, en passant par celle de la Madeleine –  » peu de gens savent qu’elle fut déplacée de 50 mètres pour construire la jonction Nord-Midi  » – et les vestiges de la Senne, du côté Saint-Géry. Aux origines de la ville, que cet ingénieur retraité, passionné d’histoire, connaît sur le bout du doigt.

Elles l’ont quitté ravies, sur les marches du musée de la Gueuze.  » Elles voulaient rapporter quelque chose de spécifique et pensaient au chocolat. Je leur ai dit qu’elles pourraient en trouver partout, alors que la Cantillon, c’est une vraie spécialité locale.  » Ils ont échangé leurs adresses, se sont promis de se revoir, elles de l’accueillir s’il passe par la Bretagne. Elles ne l’ont pas payé : Johan les a guidées bénévolement. Pour le plaisir. Normal : c’est un  » Greeter « . Comme Bruxelles en compte aujourd’hui une centaine, qui s’échinent à la faire découvrir autrement.

Tourisme participatif

Les Greeters sont des résidents bénévoles qui aiment leur ville et se proposent de la faire découvrir à des visiteurs de passage. Né à New York en 1992, ce mouvement basé sur le tourisme participatif fête ses 20 ans et se répand dans le monde entier. A Bruxelles, le réseau est né en 2010, à l’initiative de l’ASBL Tourisme Autrement et de sa fondatrice Marie Paule Eskénazi. Avec le soutien de Christophe Doulkeridis, ministre Ecolo en charge du Tourisme à la Cocof, et de VisitBrussels, l’agence de communication de la Région dans ce domaine.  » En un peu plus d’un an, nous avons organisé plus de 700 rencontres « , se félicite Marie Paule Eskénazi.

C’est bien de cela qu’il s’agit : des rencontres. En anglais,  » to greet  » signifie  » entrer en contact « . Des hommes et des femmes, de tous profils et de tous âges, souvent multilingues et toujours passionnés, emmènent des groupes de six personnes au maximum pour une balade de quelques heures. Hors des sentiers battus.  » Les visiteurs s’inscrivent sur le site (1), communiquent les dates de leur séjour, leurs plages de liberté et leurs centres d’intérêt. Et le réseau fait le reste : il sélectionne celui qui répondra le mieux à leurs souhaits. Chaque Greeter a ses coups de c£ur et ses spécialités, sans parler de la langue. Après, c’est affaire de rencontre et de partage. Les gens adorent. « 

Les objectifs sont multiples. Il s’agit à la fois de renforcer l’attractivité de Bruxelles et son image, de donner aux habitants la possibilité d’être acteurs du développement touristique de la ville plutôt que d’en subir les désagréments –  » certains endroits subissent une pression telle que ça les dénature  » -, de favoriser un tourisme durable et de permettre à toutes les communes d’en profiter. Cela ne peut que les inciter à valoriser leur patrimoine.

 » Bruxelles offre une telle diversité que les touristes de passage n’en voient qu’une infime partie « , confirme Martine Roegiers, une ancienne gérante de société devenue Greeter à ses heures.  » Ces rencontres m’apportent le plaisir de voir la surprise des gens à qui je fais découvrir des lieux inattendus.  » Elle affectionne particulièrement le Cinquantenaire –  » du haut des arcades, la vue est fantastique de part et d’autre  » – et ne manque jamais d’y montrer la mosquée ni le pavillon Horta qui abrite les célèbres (et invisibles) Passions humaines de Jef Lambeaux. Avant de mettre le cap sur le quartier européen.

 » Dommage que la Région n’investisse pas plus dans le transport et les indications « , regrette-t-elle. Johan, lui, critique l’état, sinon l’absence de trottoirs dans certains quartiers. Mais c’est surtout l’état lamentable de nombreux bâtiments qui le chagrine.  » Les pouvoirs publics doivent investir dans la rénovation. Il y a souvent des horreurs entre deux merveilles.  » Heureusement, ça n’altère pas son enthousiasme.

(1) http://brussel.greeters.be

PHILIPPE BERKENBAUM

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