Thérèse de Liedekerke, directrice générale adjointe de BusinessEurope. © Erik Luntang

« Un taux de 21% ne me semble ni souhaitable, ni réaliste »

Représentant 40 fédérations patronales de 35 pays, BusinessEurope est un des lobbys les plus puissants de l’Union européenne. Pour sa directrice générale adjointe, Thérèse de Liedekerke, c’est au sein de l’OCDE qu’il faut déterminer un taux minimal mondial.

Comment les fédérations patronales que vous représentez accueillent-elles la proposition Biden de taxer les multinationales à minimum 21%?

Il faut souligner que la proposition du président Biden concerne le taux minimal applicable aux entreprises américaines. Il vise à assurer que les multinationales américaines qui paieraient moins d’impôts sur leurs profits dans un pays étranger versent la différence au fisc américain en fonction du taux minimal. Il y a par ailleurs des négociations à l’OCDE sur un taux minimal mondial. Nous y observons un engagement constructif des Etats-Unis ainsi que dans les négociations sur une imposition équitable dans l’économie numérique. Les discussions avec l’administration américaine précédente étaient difficiles. Au-delà de sa volonté de taxe minimale à 21%, Joe Biden a avancé une contre-proposition sur le volet numérique. Cet engagement constructif est une bonne chose.

L’OCDE a toujours évoqué le taux effectif de 12,5% comme hypothèse de travail et c’est accueilli favorablement au sein l’UE.

Qu’attendez-vous de ces négociations?

Nous espérons un accord sur la taxe numérique et sur un taux minimal de taxation des multinationales au niveau mondial, car un accord à ce niveau est nécessaire pour éviter des solutions nationales non coordonnées et des problèmes de double taxation. Il faut aussi que les règles qui seront décidées soient simples à mettre en oeuvre pour éviter une surcharge administrative aux entreprises concernées. Enfin, nous attirons l’attention sur le fait qu’un taux minimal trop élevé serait mauvais pour l’investissement.

Le taux de 21% voulu par la Maison-Blanche vous paraît donc trop haut? Celui de 12,5% discuté au sein de l’OCDE et qui correspond au taux statutaire de l’Irlande vous paraît plus réaliste?

L’OCDE a toujours évoqué le taux effectif de 12,5% comme hypothèse de travail. Du côté européen, cette hypothèse est accueillie favorablement, y compris par l’Irlande. C’est important car, pour l’Union européenne, la règle de l’unanimité est d’application dans ce domaine. Je remarque que, depuis la proposition Biden, des experts estiment que la fourchette pour un accord sur un taux se situe probablement entre 12,5%, et 15%. L’OCDE elle-même souligne dans ses analyses d’impact qu’un taux trop élevé serait mauvais pour les investissements. Donc, 21% ne me semble ni souhaitable, ni réaliste.

L’Union européenne n’a-t-elle pas intérêt à coopérer avec les Etats-Unis sur cette question?

Bien sûr, d’autant que, comme je l’ai dit, l’administration actuelle se montre plus constructive dans ses discussions avec l’OCDE. Pour nous, c’est au sein de l’OCDE qu’il faut arriver à un accord et le plus rapidement possible, mais il faut que ce soit un bon accord.

Mais si les Etats-Unis s’accrochent au taux de 21%, cela risque-t-il de compromettre les négociations OCDE sur le taux minimal?

En cas de différence entre le taux minimal mondial et le taux minimal américain, il faudra s’accorder sur la façon de faire coexister les deux taux en évitant la double imposition. Mais un accord sur un taux raisonnable au niveau mondial serait plus simple, plus clair pour tout le monde.

Y aura-t-il un lobbying intense de votre part pour essayer d’influer sur les négociations?

BusinessEurope suit ces négociations de près, en défendant l’intérêt général des entreprises européennes de toute taille et de tout secteur d’activité.

Relever le taux effectif de la taxation des multinationales qui échappaient à l’impôt via les paradis fiscaux, est-ce un juste retour des choses?

Oui, il faut combattre les pratiques fiscales dommageables mais sans pénaliser la grande majorité des entreprises qui respectent leurs obligations fiscales. Une étude de la Commission européenne montre que la part de l’impôt des sociétés dans le PNB européen est stable depuis quarante ans. La fiscalité sur les entreprises est une question complexe. Evitons de poser le débat en termes trop caricaturaux.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire