Un risque de surenchère

Pour François Pichault, professeur à HEC-ULg, le contexte économique difficile pousse les acteurs sociaux à la radicalisation. Les électeurs pourraient voter pour le plus gros surenchérisseur…

Le Vif/L’Express : Le contexte de ces élections sociales vous semble-t-il particulier ?

François Pichault : Oui. On observe actuellement de très grandes tensions dans les entreprises, exacerbées par un contexte économique difficile. L’un des enjeux de ce scrutin, c’est la façon dont les organisations syndicales font face à certains gros dossiers, qui, d’ailleurs, s’entremêlent : les mesures d’austérité et l’allongement de la vie professionnelle, entre autres. Il y a une certaine tendance à la surenchère sur ces questions. Les restructurations qui se multiplient apportent aussi de l’eau au moulin des organisations syndicales qui veulent se radicaliser. Globalement, je dirais que je parie sur des élections basées sur la surenchère. Je suis tenté de penser que les électeurs voteront pour celui qui surenchérit le plus.

Quels sont les autres dossiers qui forment l’enjeu de ce scrutin ?

Un sujet rampant, d’élections sociales en élections sociales, c’est le rapprochement des statuts ouvrier-employé. Les positions des centrales syndicales sont très différentes sur ce dossier.

Le clivage entre l’approche de la CSC, davantage axée sur la conciliation, et celle de la FGTB, plus dans l’opposition, est-il toujours d’actualité dans le cadre de ce scrutin ?

Les clivages ne sont pas forcément là où on les attend. Les choses se jouent surtout en entreprises ou dans les secteurs. On n’est pas dans le clivage du réformisme contre la confrontation. La surenchère que j’évoquais plus tôt intervient plutôt en fonction des contingences sectorielles, locales ou Nord-Sud. Sans compter que la génération Y est plus consumériste que les précédentes, par rapport aux syndicats. Auparavant, les travailleurs étaient loyaux à leur organisation. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Tablez-vous sur un taux de participation plus élevé que lors des précédents scrutins, en raison des circonstances économiques rudes ?

Rien de moins sûr. On observe un important désenchantement par rapport aux organisations syndicales. Du coup, je ne serais pas étonné que le taux de participation au scrutin soit plus faible.

Vous évoquez la surenchère dans les rangs syndicaux. N’assiste-t-on pas aussi à une radicalisation du discours des employeurs ?

Si. Les employeurs et les syndicats se livrent à un jeu de ping-pong. En soi, c’est de bonne guerre mais cela conduit à un renforcement mutuel des surenchères.

L.V.R.

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