Un petit tracas ?

Vous êtes heureux ? Vous menez une vie tranquille ? Quelle barbe ! Pour pimenter un peu l’existence, rien de tel que deux, trois bons soucis : le site needaproblem.com… en vend !

Sur le Web, on pouvait tout acheter… sauf ça, raconte Martin Koncilja, un Bernois de 39 ans. Je me suis demandé pourquoi personne n’avait eu cette bonne idée avant moi.  » C’était en 2009. Le citoyen helvétique médite, avec ses deux potes Björn Hering et Hansmartin Amrein, autour de quelques godets de Fendant. Six bouteilles plus tard, bingo ! Leur  » niche  » informatique est trouvée : créer un site Internet qui propose, contre paiements sécurisés Paypal, de  » réels problèmes en tout genre « . Tarifs : 1, 5, 50, 500 ou 5 000 euros le souci, selon son niveau de difficulté. But du jeu : le résoudre, puis en envoyer la preuve, par photo ou vidéo, aux gestionnaires du site, qui vous classeront alors dans leur hall of fame, sorte de top du top des plus débrouillards de la planète.

Comme si les gens n’avaient pas assez d’ennuis comme ça. Comme si la vie ne se chargeait pas d’en fournir des brassées – et gratos, ceux-là ! Faut croire que non, parce qu’à ce jour les trois lascars en ont déjà écoulé… près de 20 000. Des exemples ? Koncilja n’aime pas trop en donner pour rien.  » C’est le deal : pour conserver l’effet de surprise, il faut prendre le risque, et d’abord payer.  » Mmm. A force d’insistance et en picorant, çà et là, quelques témoignages livrés sur needaproblem.com (plutôt avare d’informations), voilà ce qu’on obtient pour 1 euro :  » Acheter et lire un journal que vous n’avez jamais ouvert auparavant  » ;  » Trouver une image d’une plante typique du Venezuela  » ;  » Démantibuler trois bics « . Fastoche.  » Résoudre chacune de ces colles ne devrait pas prendre plus de 4 minutes « , assure Koncilja. Plus complexes, les formules à 5 ou 50 euros invitent les compétiteurs à  » grimper aujourd’hui au sommet d’un clocher avec l’accord et en compagnie d’un prêtre  » ou  » lancer une fusée seul sur une plage et dans le noir « .

 » Aussi fous que nous « 

A partir de 500 euros, le service devient personnalisé : un client, passager d’un petit avion volant au-dessus des Alpes, a ainsi dû prendre (durant 30 secondes) les commandes de l’appareil, le pilote ayant feint un malaise… Pour les problèmes à 5 000 euros, mystère.  » On a quelques idées, murmure le responsable, mais on les garde pour notre premier acheteur. « 

Destinée à l’origine au public suisse, l’entreprise marche surtout auprès de ses voisins. Les Allemands représenteraient 70 % du chiffre d’affaires.  » Etonnant pour un peuple qu’on dit sévère « , relève Koncilja. Les Américains et les Anglais semblent également particulièrement friands de challenges :  » Peut-être parce qu’ils sont aussi fous que nous !  » suppose Koncilja. Qui n’hésite pas à attribuer le succès d’un plan aussi futile au désir des gens de remplir la vacuité de leur existence. Entre le récit de l’exploit de Victoria, qui a visiblement réussi à tirer son pétard quelque part sur l’île Maurice, et celui d’un anonyme, qui a chargé sur le site, en bonne et due forme, un cliché de ses vieux baskets usés (mission inconnue), l’auteur de ce juteux commerce propose quelques réflexions philosophiques :  » Excepté la souffrance, le plus grand ennemi du bonheur est l’ennui  » (Schopenhauer). Ou, plus profond :  » La douleur est si proche du plaisir  » (Freddy Mercury). On serait tenté de lui proposer un nouveau défi, qui n’a pas de prix, celui-là – mais qui restera sûrement sans solution :  » Arrêter immédiatement de prendre les internautes pour des benêts « .

VALÉRIE COLIN

 » Excepté la souffrance, le plus grand ennemi du bonheur est l’ennui  » Schopenhauer

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