Un mouvement de dupes

Un nouveau parti s’affiche partout en Wallonie. Derrière son slogan régionaliste se cachent des candidats et des idées de l’extrême droite classique.

Leur campagne d’affichage ne passe pas inaperçue dans le sud du pays. Juste le nom du parti résonnant comme un slogan qui se démultiplie sur les panneaux électoraux :  » Wallonie d’abord ! « . Les couleurs tranchantes noir, blanc et rouge visent une même efficacité, non sans rappeler celles qu’arborait un parti allemand de sinistre mémoire. Simple coïncidence ? Les personnalités qui apparaissent derrière le slogan régionaliste appartiennent, pour la plupart, à l’extrême droite traditionnelle, même si elles tentent de s’en démarquer.

Les quelques idées avancées sur le site Internet du parti, qui ne contient qu’une simple homepage, se sont curieusement policées depuis l’année dernière. Les termes  » immigrés « ,  » immigration abusive « ,  » populations inassimilables  » ont été rayés de la version actuelle. Pour le reste, le programme contacté à base de formules chocs convenues, comme la tolérance zéro pour régler l’insécurité, est maigrelet pour ne pas dire inexistant.

Etabli à Namur,  » Wallonie d’abord !  » est le nouvel habillage de Force nationale, dissident en 2005 du Front national de Daniel Féret. A la tête de cet autre FN : Francis Detraux et sa compagne Jacqueline Merveille. Aujourd’hui figure de proue de  » Wallonie d’abord ! « , cet ancien livreur de mazout a été le leader du Front national namurois pendant dix ans. En 1995, son nom était associé à un tract négationniste signé et lu au conseil communal de Namur par Michel Leurquin, comme le rappelle Namur Antifasciste sur son site. Sénateur de 2003 à 2007, suite au désistement d’Audrey Rorive, la compagne de Féret, son travail parlementaire s’est résumé, en cinq années, à 39 questions écrites et 5 propositions de loi (rappel : un sénateur gagne annuellement 79 500 euros).

Autre élément incontournable du  » nouveau  » parti : Juan Lemmens, l’éternel dissident. Issu du parti poujadiste UDRT, il est passé par le Front national et le Front nouveau de Belgique de Marguerite Bastien, puis a mis sur pied le Bloc wallon, avant de fonder Force nationale avec Detraux. Elu au conseil provincial du Brabant wallon en 2006, ce quadragénaire a prêté serment, en octobre de cette année-là, face à 52 conseillers, issus de partis démocratiques, qui se sont levés comme un seul homme pour lui tourner le dos.

Detraux, Lemmens et leurs comparses comptent visiblement profiter des luttes intestines au sein du Front national ( lire Le Vif/L’Express du 8 mai) pour tenter de récupérer l’électorat frontiste en Wallonie et même davantage. Ils se démènent pour faire croire qu’ils ne sont pas aussi extrémistes que leurs anciens amis.  » Mais leur slogan et leur logo, semblables à s’y méprendre à celui d' »Alsace d’abord !  »  » ne trompent pas, sourit Manuel Abramowicz de www.resistances.be, qui rappelle que le mouvement alsacien radical, anti-immigrés, créé en 1989 par un député du Front national français, a noué des contacts étroits avec le Vlaams Belang.

Cette même approche masquée a aussi été constatée lors du recrutement des signatures nécessaires pour pouvoir déposer une liste électorale. A Rochefort, le bourgmestre François Bellot (MR), également officier d’état civil, s’est étonné de voir parmi les signatures accordées à  » Wallonie d’abord !  » les noms de proches qui ne partagent absolument pas ces idées extrémistes.  » Lors d’une manifestation d’agriculteurs à Rochefort, par exemple, de jeunes membres de ce parti s’étaient présentés comme défenseurs du monde agricole et avaient fait signer un document présenté comme tel « , raconte-t-il, nombreux témoignages à l’appui. Juan Lemmens dément, mais Bellot persiste pour dénoncer ce jeu de dupes. Un électeur averti…

THIERRY DENOËL

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