Donald Trump a répondu à la tribune anonyme du New York Times par l'injure. Comme d'habitude. © NICHOLAS KAMM/AFP/BELGAIMAGE

Trump : plongée  » chez les fous « 

Le livre Fear de Bob Woodward et la tribune anonyme du New York Times décrivent la Maison-Blanche telle un bateau ivre. Inquiétant.

Celui qui inspira, il y a plus de quarante ans, le scénario du film Les Hommes du président prend aujourd’hui la plume pour décrire un président qui a perdu ses hommes. Après la lecture de Fear(1), le dernier livre de Bob Woodward – coauteur de l’enquête qui révéla, en 1972, le scandale du Watergate -, il ne reste presque plus rien de Donald Trump, qui engendre chez ses plus proches collabo- rateurs l’exaspération et l’effroi. De l’ère de la toute-puissance américaine (Richard Nixon) à l’isolationnisme actuel, la signature de Bob Woodward résume à la fois l’exigence démocratique et la déception qui lui est inhérente. Des centaines d’heures d’interviews, regroupant les témoignages du premier cercle présidentiel et ceux de nombreux acteurs de l’ombre, tout aussi accablants, dressent, en 2018, le portrait d’une Maison-Blanche en proie à la crise de nerfs et décrivent un bateau ivre. C’est précisément ce qui indigne le mystérieux personnage qui s’est exprimé dans le New York Times, le 6 septembre, en se réclamant d’une  » résistance silencieuse au sein de l’administration « . Ce haut responsable anonyme dénonce un président  » mesquin  » et  » inefficace « , qui agit  » au détriment de la santé de notre république « . Du jamais-vu: c’est  » Deep Throat  » qui signe cette fois une tribune…

Selon les révélations de Woodward, John Kelly, chef de cabinet du président – ce qui n’est pas rien -, ne contrôle plus sa colère contre son patron :  » C’est un idiot. Il est inutile d’essayer de le convaincre de quoi que ce soit. Il a déraillé. On est chez les fous. Je ne sais même pas ce que nous faisons là. « 

On mesure combien le 45e président des Etats-Unis épouvante ses plus proches conseillers, qui tentent de protéger le chef de l’exécutif contre lui-même, à la façon des dictatures finissantes, type Brejnev ou Castro. Ainsi, le premier conseiller pour l’économie de la Maison-Blanche, Gary Cohn, en est-il venu carrément à dérober, dans le bureau Ovale, un décret qui proclamait le retrait des Etats-Unis de l’accord de libre-échange avec la Corée du Sud, ainsi qu’une autre décision écrite mettant tout bonnement fin à l’Alena (accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique). Un abus de pouvoir destiné à éviter un abus de pouvoir, sachant que Donald Trump ne s’est rendu compte de rien dans les deux cas.

Ce n’est pas le premier livre qui fait descendre le milliardaire de l’immobilier aux enfers, mais c’est le premier qui porte la signature d’un journaliste mondialement célèbre, qui a bâti son crédit sur l’analyse ininterrompue du pouvoir suprême. Pour preuve, lorsque Woodward critiquait Obama en son temps, Trump s’était empressé de le féliciter en surfant sur l’autorité qui nimbait les propos de l’investigateur. Désormais, Donald Trump est devenu en lui-même la principale cause du questionnement américain, le centre des états d’âme nationaux, le symbole d’une hyperpuissance qui perd toute sa tenue, la négation éclatante de la fameuse mission messianique de l’Amérique. C’est un résumé vertigineux du déclin de l’Amérique à partir de son poste suprême.

(1) Fear, Trump in the White House, par Bob Woodward, Ed. Simon & Schuster, Non traduit.

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