De nos jours, on pense que les apports énergétiques des femmes présentant la triade sportive sont insuffisants en regard des efforts que leur demandent leurs entraînements et compétitions. © ISTOCK

Trop maigre ? Gare aux fractures !

Bien des adeptes de la course à pied sont trop maigres et ce n’est pas une bonne chose, car le risque de fracture de stress est cinq fois plus élevé chez eux que chez leurs homologues de poids normal. Le remède est de manger davantage… même si le problème est malgré tout plus complexe qu’il n’y paraît.

Des années durant, les médecins se sont cassé la tête sur l’association fréquente de trois problèmes médicaux – troubles alimentaires, disparition des règles et ostéoporose – chez les femmes pratiquant la course à pied avec assiduité. Entre 1975 et 1990, les spécialistes ont bien commencé à s’intéresser à ces troubles alimentaires, mais sans parvenir à démêler le sens du lien de cause à effet. Tous les aspects du phénomène semblaient si étroitement liés qu’en 1997, un groupe de travail de l’éminent American College of Sports Medicine lui a officiellement donné le nom de triade de la sportive ( female athlete triad) (1).

Certains coaches voient dans la disparition des règles la preuve que l’entraînement est suffisamment intensif.

Un trop-peu d’énergie

Au cours des années qui ont suivi, l’idée que le facteur déterminant résidait dans un trop-peu d’énergie disponible s’est imposée ; des troubles alimentaires connus comme l’anorexie mentale ou la boulimie pouvaient certes jouer un rôle, mais sans être systématiquement présents.

De nos jours, on pense que les apports énergétiques de ces femmes sont insuffisants en regard des efforts que leur demandent leurs entraînements et compétitions. Leur organisme n’a dès lors plus assez d’énergie pour couvrir son fonctionnement normal, avec à la clé un dérèglement de leur cycle menstruel, l’absence d’ovulation et la disparition des règles. C’est pour cette raison qu’en 2007, l’ American College of Sports Medicine a décidé de rebaptiser  » RED-S  » ( Relative Energy Deficiency in Sport) l’ancienne triade de la sportive (2). Ce changement de dénomination était important car il était apparu entre-temps que cette pénurie énergétique se rencontrait aussi chez les sportifs masculins, une réalité largement ignorée tant qu’il était question d’une triade de la sportive.

Celle-ci ne ciblait en outre que trois problèmes de santé bien spécifiques, alors qu’un manque d’énergie relatif est susceptible d’avoir des répercussions négatives sur toutes les facettes de la santé. Il peut, dans des cas extrêmes, se solder par de véritables drames ; il suffit pour s’en convaincre d’évoquer les conséquences funestes de l’anorexie. La pénurie énergétique force le corps à économiser sur tous les plans, avec une baisse des prestations sous l’effet d’une perte de force et d’endurance, une sensibilité accrue aux lésions et un rétablissement plus lent, une dégradation de la coordination et de la concentration, une irritabilité accrue et des pensées dépressives, une immunité plus faible, une susceptibilité plus grande aux infections, etc.

Le risque 4,5 fois plus élevé de lésions osseuses, avec tout ce qui en découle en termes de perte de jours d’entraînement (3), est un exemple éloquent des conséquences funestes d’une alimentation inadaptée. Il illustre aussi parfaitement combien les athlètes et leurs coaches ont tort de focaliser sur le poids en minimisant voire en niant complètement les autres conséquences des carences nutritionnelles.

Un problème qui mérite plus d’attention

Le Comité Olympique International (COI) souligne que la problématique reste encore trop peu connue et appelle à lui accorder davantage d’attention (4,5). Chez les femmes, l’absence de règles peut être un signal d’alarme trahissant des apports énergétiques insuffisants ; chez les hommes, le problème est plus difficile à identifier car ses conséquences sont moins visibles. Une fracture de stress devrait néanmoins, chez les deux sexes, inciter à creuser plus loin… Ne considérer que la guérison de la fracture sans tenir compte de ses possibles causes expose au risque de multiplier les problèmes de santé.

Certains coaches voient dans la disparition des règles la preuve que l’entraînement est suffisamment intensif et nombre de sportives voient disparaître sans regrets des variations hormonales parfois pénibles, ce qui démontre la nécessité d’un changement de mentalité…

Références www.bodytalk.be

Trop maigre ? Gare aux fractures !
© BELGAIMAGE

Quelle est l’ampleur du phénomène ?

D’après le COI (5), la proportion d’athlètes ayant des apports énergétiques insuffisants se situerait autour de 20 %, contre 9 % dans la population générale. Le risque est particulièrement marqué dans les disciplines où un faible poids est perçu comme un avantage (p.ex. gymnastique), où la proportion de personnes concernées pourrait atteindre voire dépasser 25 %. Le COI évoque toutefois aussi des chiffres pouvant aller jusqu’à 50 % dans le secteur du cyclisme, où des athlètes franchement maigres comme Chris Froome donnent de plus en plus souvent le ton (4). Il est toutefois assez étonnant qu’il n’existe aucun chiffre concernant la course à pied, la discipline par laquelle tout à commencé…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire