Très chères valeurs sûres

Isabelle Willot

Plus segmenté que jamais, le design fait la part belle aux rééditions rares et hors de prix. Ces icônes griffées qui ont remplacé les meubles de famille incarnent les nouveaux codes de connivence sociale.

Dis-moi de quoi tu t’entoures et je te dirai qui tu es. Cet aphorisme consumériste s’applique particulièrement bien aux Belges qui, selon une étude réalisée par le groupe Poltrona Frau, auraient l’âme sensiblement plus design que la plupart des Européens. On estime à quelque 3,5 milliards d’euros le poids de l’industrie du meuble en Belgique. Et le business du mobilier design – Ikea n’étant pas comptabilisé dans ces chiffres – représenterait environ 5 % de ce marché complètement atomisé. Si le style contemporain a résolument la cote, les pièces très pointues ne rencontrent finalement que peu d’amateurs. Par contre, les rééditions cartonnent : la célèbre chaise LC4 de Le Corbusier est reconnue par 50 % des interrogés, un Belge sur quatre étant même capable de citer le nom de son créateur. Aspirationnelles, ces icônes imaginées par de grands maîtres du XXe siècle – en grande majorité des architectes – sont devenues un signe d’appartenance sociale, au même titre qu’une Lexus ou un sac Chanel. Réservées à une frange plutôt nantie de la population, elles sont pourtant jugées trop communes par les plus fortunés de la planète, en quête à la fois de valeurs sûres et d’exceptionnel. Des gens prêts à payer pas moins de 46 000 euros pour la reproduction signée, numérotée et laquée à la main du paravent Brick Screen créé par Eileen Gray dans les Années folles. Ou de débourser 12 500 euros pour une version sur mesure de la Veliero, bibliothèque mythique de Franco Albini, ressuscitée par Cassina lors du Salon du meuble de Milan, en avril dernier. Ce sont en tout cas ces consommateurs premium que cherche à toucher Hermès avec sa toute nouvelle ligne de mobilier. Le sellier parisien a particulièrement soigné la mise en scène du lancement international de sa collection en demandant à l’architecte japonais Shigeru Ban de lui construire un élégant pavillon de carton (photo) peuplé, du salon à la chambre à coucher, de meubles signés Antonio Citterio, Enzo Mari et surtout de rééditions de Jean-Michel Frank dont Hermès détient les droits de reproduction. Le canapé en cuir du décorateur Art déco coûte plus de 40 000 euros. Un best-seller, nous dit-on.

ISABELLE WILLOT

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