Trente ans de solitude

Christian Makarian

Ce fut un des plus grands déferlements humains de l’Histoire. Le 1er février 1979, un vieil homme à la barbe blanche rentrait triomphalement à Téhéran, acclamé par 4 millions de personnes. Trente ans plus tard, nul ne peut prétendre soulever la même foule que l’ayatollah Khomeini, mais l’Iran occupe tout autant le devant de la scène internationale. La patrie de Mahmoud Ahmadinejad, enfermée dans une théocratie qui a besoin d’ennemis, rayonne surtout par la frayeur qu’elle inspire. Khomeini avait qualifié le chah de  » mal absolu « , l’Amérique de  » Grand Satan  » et l’Irak de Saddam Hussein de  » Petit Satan « . On se souvient de tous les épisodes qui ont suivi : l’échec cuisant de l’expédition militaire mandée par Jimmy Carter, l’horrible guerre Iran-Irak, la fatwa contre Salman Rushdie étendue à l’Occident, l’assassinat, à Paris, de l’ancien Premier ministre du chah, Chapour Bakhtiar. Une escalade qui culmine, aujourd’hui, avec la folle ambition nucléaire d’Ahmadinejad et ses menaces perpétuelles contre Israël.

Après trois décennies d’affrontement continu, les Etats-Unis n’ont réussi qu’à renforcer l’Iran en le débarrassant de son voisin et rival arabe ; dans le même temps, ils n’ont rien pu faire contre l’axe Téhéran-Damas-Hezbollah-Hamas, qui a montré sa solidité. D’où il ressort que la République islamique, dont le prestige va croissant dans un monde arabo-musulman dépourvu de leadership, a nettement avancé sur l’échiquier du Moyen-Orient, même si la situation intérieure du pays est fort peu reluisante. Pour finir, en se rapprochant de la Turquie, Ahmadinejad vise à rétablir le vieil équilibre entre l’Empire ottoman et la Perse. C’est l’ensemble de cette réalité que méditent les nouveaux stratèges de la Maison-Blanche. On est en droit d’en espérer une évolution significative. Car sous la logorrhée antiaméricaine des mollahs se cache un étonnant paradoxe. Il existe en Iran une fascination pour les Etats-Unis, comme en témoigne la présence de plus de 2 millions d’immigrés iraniens sur le sol américain. Quant aux intérêts objectifs, rappelons que le régime iranien voit d’un très mauvais £il la montée des talibans en Afghanistan, atout qui pourrait être bien mieux exploité par les Occidentaux. Fondamentalement, ce que Téhéran attend de Washington est un tête-à-tête, une reconnaissance de son rôle de puissance par la superpuissance. C’est la carte avec laquelle Obama peut rouvrir le jeu.

CHRISTIAN MAKARIAN

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