Un écrin moderniste pour accueillir le nouveau musée. © Alexis Haulot

Tour de Bab-L

L’UCL inaugure son ambitieux musée sur le site de Louvain-la-Neuve, dans un écrin moderniste remanié qui accueille des collections scientifiques et artistiques, enrichies au fil des siècles par les professeurs, chercheurs et donateurs de l’université.

L’idée d’un musée universitaire d’envergure à Louvain-la-Neuve n’est pas récente : en 1979 s’ouvrait le Musée du dialogue, consacré à l’archéologie, l’histoire de l’art et l’ethnologie. Il lui manquait cependant un signal architectural fort pour exister. Plusieurs projets ont été discutés au fil des ans jusqu’à ce que la décision tombe voici cinq ans : c’est l’ancienne bibliothèque des sciences et technologies, emblème moderniste bâti par l’architecte André Jacqmain dans le haut de la ville – la partie historique de Louvain-la-Neuve, aujourd’hui la moins animée – qui accueillerait la future institution, après rénovation. Un  » musée maison d’hôtes  » de 6 000 m2, dont 3 830 destinés à accueillir le public pour lui dévoiler les collections variées de l’UCL, se composant aussi bien d’instruments scientifiques et de spécimens d’histoire naturelle que d’objets ethnographiques, archéologiques et… d’oeuvres d’art : estampes, moulages, art populaire et non européen, arts ancien et moderne – avec des oeuvres de Picasso, Rembrandt, Goya, Magritte et Alechinsky, pour ne citer que les plus grands noms.

Venir au musée est avant tout une démarche physique, une expérience du corps

Un budget total de 10,4 millions d’euros aura été nécessaire pour donner vie au musée, pensé à l’image de son contenant – citons la grande bibliothèque dont le mobilier d’origine, dessiné par Jules Wabbes, est toujours présent. Une politique d’expositions temporaires, présentées dans des espaces directement accessibles depuis le bâtiment principal, est également prévue, en collaboration avec UCL Culture, qui accueille chaque année des artistes en résidence.

Six siècles de collections

Longtemps conservées dans les caves des différentes facultés, les collections scientifiques du nouveau musée sont montrées pour la toute première fois au public, au terme d’un long parcours qui a fédéré de nombreux acteurs pour les présenter dans des conditions idéales de conservation et de valorisation.  » Le Musée L s’inscrit dans une perspective historique  » souligne Vincent Blondel, recteur de l’UCL.  » Nous sommes les récipiendaires de collections d’enseignement et de recherche qui se sont enrichies au cours des siècles, mais aussi de collections privées offertes par de nombreux mécènes.  »

Ainsi, par exemple, des manuscrits précieux offerts par le Japon après l’incendie de la bibliothèque de Leuven en août 1914. Car les collections de l’UCL proviennent d’un partage effectué lors de l’affaire de Louvain, quand les francophones ont quitté la ville en 1968, rappelle Anne Querinjean, directrice du Musée L : un patrimoine historique d’envergure, puisque la fondation de l’université de Louvain remonte à 1425. Cinquante ans après la scission linguistique, les collections sont passées de 4 000 à 32 000 oeuvres grâce à la générosité de différents donateurs : citons le Fonds Suzanne Lenoir (près de 1 500 estampes) donné par Eugène Rouir en 1994 (avec des artistes comme Dürer, Canaletto, Corot, Manet, Ensor, Miro ou Picasso), les collections d’art moderne belge issues de donations faites par Serge Goyens de Heusch entre 1986 et 2008, et la singulière collection d’art naïf Noubar et Micheline Boyadjian, reçue en 1997.

Anne Querinjean, directrice,  veille sur un patrimoine d'envergure.
Anne Querinjean, directrice, veille sur un patrimoine d’envergure.© Alexis Haulot

Pour Vincent Blondel, le contexte universitaire justifiait à lui seul d’offrir un environnement muséal remarquable, pour que le parcours des étudiants se forge comme une expérience complète, au-delà de l’apprentissage par les cours stricto sensu :  » L’UCL a fait le choix d’être une université de culture : c’est une des manières d’interroger les études et les recherches en leur centre. La culture, tout comme l’enseignement et la recherche, contribue à l’émancipation de l’être humain.  »

Mais au-delà de ce contexte estudiantin, le musée se veut en prise avec la société et la vie culturelle de toute une région, puisque Louvain-la-Neuve a réussi le pari de devenir une véritable ville, pas seulement un gigantesque campus.  » Il s’agit avant tout d’une oeuvre collective, rappelle Blondel, et le Musée L tel qu’il s’ouvre aujourd’hui est le résultat d’un long processus, à la fois par la valeur des collections qu’il abrite et par le nombre d’acteurs privés et publics impliqués. Mais c’est aussi un grand défi, car il va falloir désormais réaliser notre vision dans le temps.  »

Expérience immersive

Ambitieux, le parcours de visite offre non seulement de magnifiques surprises face aux collections sobrement scénographiées (citons le cabinet de curiosités, la collection d’art belge et certains instruments scientifiques de grande rareté comme la centrifugeuse du prix Nobel de médecine en 1974 Christian de Duve) mais aussi dans l’expérience même du bâtiment, qui se déploie au fur et à mesure qu’on monte dans les étages jusqu’à une double mezzanine sous toiture, à la fois grandiose et épurée. Sublime béton, mis en valeur par des détails intelligents dus aux architectes de l’université, qui ont poussé le raffinement jusqu’à reproduire le logo du musée dans le lattis des toilettes et les appliques murales des escaliers.

Trois  » labs  » interactifs ont aussi été aménagés pour rendre l’expérience immersive :  » Venir au musée est avant tout une démarche physique, une expérience du corps, et c’est ce rapport intime du visiteur livré à ses propres émotions que nous avons voulu sublimer « , explique Anne Querinjean, soulignant le fil rouge d’un parcours articulé autour de cinq  » élans  » humains – s’étonner, se questionner, s’émouvoir, transmettre et contempler. Un voyage dans le temps et les cultures qui fait la part belle aux métissages, aux confrontations et aux rencontres. Au dernier étage se trouve ainsi exposée la collection personnelle d’un amateur d’art féru de ces dialogues interculturels, le docteur Charles Delsemme (1921 – 1990), qui confronte des objets de cultures et d’époques différentes dans une approche novatrice pour son temps. Autre particularité : les 2 000 pièces issues des continents africain, asiatique, américain et océanien. L’art africain est le mieux représenté grâce à une ancienne collection rassemblée au début du xxe siècle dans le contexte colonial belge, partagée avec la KULeuven en 1968 et complétée, en 2013, par la donation de l’anthropologue et psychiatre Robert Steichen, professeur honoraire de l’UCL, qui offre une approche contextualisante des pièces. Une chose est sûre : plus d’une visite sera nécessaire pour appréhender l’ensemble de ce  » musée monde  » qui offre à la fois de comprendre l’histoire du progrès et de ressentir physiquement la présence des objets.

Musée L, place des Sciences, à Louvain-la-Neuve, www.museel.be.

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