Top secret

de Christine laurent

En flamand, on les appelle Bom et Bim. Des surnoms d’une simplicité désarmante. Traduits en bon français, Bom devient MPR (méthodes particulières de recherche) et MRD (méthodes de recueil de données), deux concepts subtils, au c£ur d’un débat délicat, cette semaine, au Parlement. L’enjeu est de taille : ne s’agit-il pas d’octroyer à la Sûreté de l’Etat (qui dépend du ministère de la Justice) l’accès aux mêmes outils de travail (observation, infiltration, écoutes des communications) que la police fédérale (sous tutelle du ministère de l’Intérieur) ? Le dossier n’est pas neuf, il fut même un sacré sac d’embrouilles entre partisans et adversaires de la réforme, mais il pourrait bien connaître, enfin, une issue apaisée. Une majorité devrait se dégager en faveur de l’octroi des écoutes à la Sûreté, histoire de lui permettre enfin de faire jeu égal avec ses collègues des services de renseignement étrangers et avec les policiers fédéraux .

L’affaire est d’autant plus importante qu’elle porte sur les moyens de lutter contre la toile de plus en plus obscure du terrorisme et du grand banditisme, sans pour autant porter atteinte aux libertés fondamentales. Car les méthodes visées sont inévitablement intrusives et il s’agit de se prémunir de tout abus. Mieux vaut prévenir que guérir, soulignent les spécialistes qui insistent sur la place prépondérante du renseignement dans un bon dispositif antiterroriste, pour autant qu’il soit utilisé avec ordre et méthode. Pour le citoyen, le dilemme est réel : la protection, oui, la traque à l’innocent, non. Il s’agit donc d’enjamber des préjugés, des réticences, de faire le tri entre ordre et désordre, de s’affranchir de certains démons. L’idée même de se retrouver, un jour, sur écoute, alors que l’on n’a rien à se reprocher, fait frémir plus d’un.

 » Le terrorisme constitue un phénomène exceptionnel qui mérite une attention particulière, voire, sous certains aspects, un traitement dérogatoire, insiste Damien Vandermeersch, magistrat et professeur de procédure pénale à l’UCL, un expert connu et reconnu, interrogé par Le Vif/L’Express. D’abord parce qu’on s’en prend à des innocents, ensuite parce qu’il peut entraîner, par réaction, un recul de nos droits et libertés si on se laisse emporter par la logique de l’extrémisme. Mais ce dispositif antiterroriste ne doit pas ratisser trop large sous peine de perdre sa crédibilité et de nourrir la révolte de ceux qui considèrent le terrorisme comme l’arme du pauvre.  » Une ambition et un objectif teintés de bons sens. Même s’ils impliquent un équilibre ultrasensible. Se protéger sans porter atteinte à l’autre, distinguer l’essentiel de l’accessoire, faire pencher le balancier du côté de l’efficacité sans franchir la ligne jaune de la protection de la vie privée, les enjeux sont réels. Mais nul doute qu’un pas important aujourd’hui est franchi. Reste à espérer que la police fédérale et la Sûreté de l’Etat auront la sagesse de ne pas se marcher sur les pieds.

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