Tir groupé sur la gouverneure adjointe

Les Flamands jugent sa fonction aussi coûteuse que parfaitement inutile. Mandataires FDF en tête, les défenseurs les plus pointus des intérêts francophones ne lui accordent guère de crédit. Dur, dur, d’être gardienne des lois linguistiques en périphérie bruxelloise.

La Flandre va boire du petit lait. Enfin un rapport sur le quotidien vécu dans les communes à facilités qui lui met un peu de baume au c£ur et ne la fait pas passer pour tortionnaire ! Où ça, les violations gravissimes et répétées des lois linguistiques en périphérie qui font jaser jusque dans les enceintes internationales, Conseil de l’Europe et ONU réunis ? Risible :  » Même pas une plainte à traiter par mois en moyenne !  » Et c’est une francophone, désignée pour traquer les tracasseries linguistico-administratives, qui le reconnaît noir sur blanc. C’est dire si le monde politique flamand tient beaucoup à ses évaluations. En 2009, le ministre régional de l’Intérieur, Marino Keulen (Open VLD), perdait patience : Valérie Flohimont tardait à exécuter ce qui n’est pourtant en rien une obligation. Le ministre savourait à l’avance l’instant de la lecture :  » Pas besoin de boule de cristal pour savoir qu’on n’y trouvera pas un nombre infini de plaintes.  » Que demander de plus pour prouver ce que le monde politique flamand se tue à répéter : flanquer le gouverneur du Brabant flamand d’un adjoint francophone est un luxe parfaitement superflu.  » Madame Flohimont écrit la vérité, elle fait bien son travail. Le problème, c’est qu’il est totalement inutile « . Conseiller communal Open VLD à Crainhem et ancien député fédéral, Luk Van Biesen fouille dans ses souvenirs pour illustrer ses dires :  » J’ai vu un jour débarquer au bureau de poste le prédécesseur de Valérie Flohimont, avec son chauffeur et deux collaborateurs : ils ont passé leur temps à vérifier si le nombre de brochures informatives en français était égal au nombre d’exemplaires en néerlandais… « 

La Flandre apprécie peu de se sentir sous surveillance. Elle digère aussi très mal de devoir prendre en charge sur ses deniers un investissement qu’elle juge en pure perte. 15 000 euros déboursés en 2008 pour financer voiture de fonction, GSM, matériel informatique et de bureau ; 10 000 euros allongés par la province du Brabant flamand pour payer les frais de fonctionnement. Et tout cela, ô rage, ô désespoir, pour entretenir ce qui est considéré comme une chasse gardée du PS.  » Tout comme son prédécesseur, Valérie Flohimont est une apparatchik du PS. Issue de l’Institut Emile Vandervelde, nommée sur proposition expresse du président du PS Di Rupo dont elle est proche : elle a été son professeur de néerlandais « , grince-t-on dans les milieux politiques flamands. Si ça ne tenait qu’à eux, les jours de ce gardien francophone des lois linguistiques seraient depuis longtemps comptés. Mais sa meilleure assurance-vie, c’est son pendant néerlandophone : le vice-gouverneur chargé de veiller au respect des droits de la minorité flamande en Région bruxelloise. Toucher à une pierre de l’édifice, c’est faire vaciller l’ensemble de la construction.  » Il faut savoir ce que l’on veut « , prévenait Marino Keulen. D’autant que l’actuelle titulaire, Valérie Flohimont, en poste jusqu’en 2012, s’acquitte fort professionnellement de sa tâche :  » Elle témoigne d’un esprit d’indépendance. Elle a suspendu un certain nombre de désignations de francophones dans les écoles francophones de la périphérie « , se félicitait le ministre flamand de l’Intérieur.

Ce seul hommage pourrait suffire à la rendre suspecte à la cause francophone. Les constats de son rapport font le reste. Francophone, mais fonctionnaire de la Communauté flamande choisi sur proposition du gouvernement fédéral : ce profil statutaire éveille le soupçon.  » Joue-t-elle le jeu des francophones ou des Flamands ?  » s’interroge le bourgmestre non nommé de Linkebeek et député fédéral, le FDF Damien Thiéry. Qui s’étonne d’avoir si peu vu Valérie Flohimont investiguer dans sa commune :  » Un seul contact en tout et pour tout.  » Un peu maigre pour juger de la réalité sur le terrain, peste le maïeur.  » Son constat a quelque chose de surréaliste à côté de la dizaine de plaintes que nous enregistrons chaque mois. A force d’essayer de résoudre les problèmes au niveau local, nous évitons aux gens d’aller déposer plainte. Ce qui fausse l’interprétation de la situation.  »  » Pas de plaintes, donc tout va bien en périphérie : gare à la dérive et à son exploitation politique. Je rencontre trop de mécontents sur le terrain pour croire que ce rapport soit indicatif de l’état d’esprit des francophones « , abonde Eric Libert, échevin FDF à Rhode-Saint-Genèse. Recalée, la gouverneure adjointe. Le duo de mandataires FDF ne lui accorde guère de crédit :  » A juste titre, les francophones ne croient pas à l’efficacité d’une plainte déposée à son service. Pour peu d’ailleurs qu’ils connaissent son existence.  » Si Valérie Flohimont s’active, c’est dans la plus grande discrétion. Le contact sollicité par Le Vif/L’Express a tourné court : ses services ont argué d’un agenda trop chargé.

La météo communautaire est invariablement à l’orage au-dessus de la périphérie bruxelloise. Mais le baromètre de l’adjointe du gouverneur du Brabant flamand s’obstine à rester globalement au beau fixe.  » Peut-être est-ce la preuve que le système des facilités linguistiques est correctement appliqué par les communes, puisque les citoyens y trouveraient peu à redire « , se prend à espérer un mandataire CDH. Il ferait donc aussi bon vivre en périphérie. Une vraie nouvelle.

P. HX

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