Terrains d’entente

Une quarantaine de nouveaux zonings doivent être installés en Wallonie. Mais où? Leur désignation se prépare dans un climat très inhabituel

Ce sera un bon test pour la nouvelle culture politique en Wallonie. Le 21 février prochain, le gouvernement wallon tranchera dans le délicat dossier du « plan des zones d’activités économiques ». En (fortement) résumé, il s’agit de voir où s’installeront les futurs zonings industriels de la Région. Au total, une quarantaine de demandes ont été formulées par les intercommunales, soit environ 2 600 hectares ( Le Vif/L’Express du 2 novembre 2001). Question clé: va-t-on les installer en pleine nature, au risque de sacrifier d’excellentes terres agricoles et de déstructurer la vie rurale? Ou, au contraire, prendra-t-on soin de les adjoindre à des zones économiques déjà existantes ou, en tout cas, bien situées en matière de mobilité durable, d’esthétique paysagère, de protection des nappes phréatiques, etc.?

Les administrations régionales – dont la Direction chargée de l’économie et de l’emploi elle-même! – ont estimé que les appétits des intercommunales étaient exagérés. Et que, parfois, la notion d’affectation prioritaire était galvaudée. Surprise! Il semble que le gouvernement tienne assez bien compte, jusqu’à présent, de ces remarques. C’est un bon point de plus. En effet, dans la (longue) procédure de définition des critères à retenir pour localiser ces zonings, le cabinet de Michel Foret (PRL), ministre chargé de l’Aménagement du territoire, avait adopté une méthode un brin inhabituelle. Elle avait été saluée pour sa volonté d’objectivité, alors que ce dossier est réputé se prêter à merveille aux baronnies et aux pressions locales, voire personnelles (beaucoup de mandataires ne rêvent-ils pas d’inaugurer « leur » zoning?).

Résultat: des projets de périmètres sont aujourd’hui remis sur le métier, des problèmes de voisinage sont anticipés et désamorcés, des gâchis financiers sont évités (comme le saccage d’une zone dont le remembrement venait à peine de se terminer), etc. Le tout, admettent des observateurs habituellement critiques dans ce domaine, dans un esprit de décrispation des tensions.

De là à dire que tout va pour le mieux, il y a un pas. A mesure que l’on se rapproche du 21 février, la tension monte. Les dossiers les plus défavorables sont souvent, comme par hasard, les plus « chauds », politiquement. Exemple: installera-t-on un zoning en rase campagne, sur d’excellentes terres agricoles de la région d’Hélécine-Orp-Jauche, dans le fief brabançon du vice-Premier ministre Louis Michel? Aux yeux des fins connaisseurs du dossier, d’autres projets (Theux, Saint-Georges, Andenne, Pont-à-Celles…) sont tout aussi peu justifiés, car ils entrent en contradiction avec les exigences d’un bon aménagement du territoire, qui doit être pratique, mais aussi peu coûteux et durable. Ces demandes pourraient toutefois trouver grâce, soudain, aux yeux des ministres prochainement réunis à Namur, à la faveur de la (forte) représentation des intercommunales dans les cabinets ministériels wallons ou grâce au jeu des trocs et des pressions de dernière minute.

Agriculteurs discrets Il y a environ deux ans, le plan d’affectation des centres d’enfouissement technique (CET) avait subi de curieux assouplissements en fin de parcours. De véritables « trous » à immondices, comme à Charleroi, avaient finalement été retenus pour servir de décharges prétendument modernes. Un scénario de même nature pend-il au nez des Wallons? En attendant, les milieux agricoles restent étrangement discrets dans cette matière, bien qu’ils soient concernés au premier chef. Par résignation? Par manque d’intérêt de la part de leurs habituels relais politiques? Parce que la récente fusion de leurs deux syndicats les a détournés de ce genre de préoccupation? Ou parce que les grandes manoeuvres autour du rachat (généreux) de leurs terres ont déjà commencé?

Philippe Lamotte

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