Sursaut ou enterrement?

Oublié, l’octroi du droit de vote aux étrangers non européens? C’est, en tout cas, le souhait du VLD et de Louis Michel. Mais tout suspense n’est pas levé pour autant

Droit de vote pour les étrangers non européens, clap et fin? Les choses ne sont peut-être pas aussi simples qu’il n’y paraît. Le point en quelques questions-réponses.

1. Que va-t-il se passer le 12 mars au Sénat?

Normalement, ainsi que le prévoit l’agenda de la commission de l’Intérieur du Sénat, présidée par Anne-Marie Lizin (PS), les sénateurs devront bel et bien se prononcer sur l’octroi, ou non, du droit de vote – aux élections communales et, éventuellement provinciales – aux étrangers non européens. Ce vote en commission devait constituer la première étape du processus législatif, avant que le point ne soit porté à l’ordre du jour de la séance plénière. L’intervention de Louis Michel, le vice-Premier ministre libéral, qui, face au refus obstiné du VLD, a exprimé son « souhait » de voir la discussion sur ce sujet reportée à des temps meilleurs, n’est, en effet, pas de nature à stopper net la discussion ce propos. Impossible, notamment, d’arracher de l’agenda de la commission sénatoriale la page fatidique où figure le vote de cette délicate proposition de loi.

2. Quels scénarios possibles?

La poursuite des débats, au début de cette semaine, « comme si de rien n’était », entretient le suspense autour de cette question. Plusieurs scénarios restent possibles.

Soit, comme c’est probable, les sénateurs – le libéral Philippe Monfils en tête – « font semblant » de poursuivre une discussion qu’ils savent condamnée, histoire d’éviter d’offrir le déprimant spectacle d’une capitulation en rase campagne. Ainsi, dans une dizaine de jours, un vote sans surprise opposera les partis favorables à l’octroi du droit de vote (les Verts, les socialistes et le PSC) à ceux, majoritaires en cas d’abstention des libéraux francophones, qui y sont opposés (le CD&V, le VLD et le Vlaams Blok).

Soit – c’est le deuxième scénario -, ces mêmes sénateurs espèrent sincèrement, à l’instar d’Anne-Marie Lizin, que, d’ici au 12 mars, un revirement du VLD sera encore possible. Par quel miracle? L’amendement déposé par le libéral Monfils (!) en commission, au cours de la réunion du 26 février, prévoit que les étrangers auxquels serait octroyé un (très hypothétique) droit de vote devraient au préalable s’engager à respecter les lois belges et les droits de l’homme. Il ne suscite que peu d’enthousiasme dans les rangs des écologistes et des socialistes, mais pourrait, en revanche, calmer certaines des réticences régulièrement avancées dans le camp flamand. Faut-il y voir une bouée de sauvetage susceptible de faire revenir le VLD, jusqu’ici arc-bouté sur son refus, à de meilleurs sentiments? Ou faut-il y voir le début d’un processus de compromis mutuel qui pourrait amener les uns et les autres à fumer le calumet de la paix? Les jours prochains diront sans doute ce qu’il faut penser de pareil sécnario qui, à priori, semble pécher par trop d’optimisme.

3. Quoi après le 12 mars?

Un vote négatif en commission est-il de nature à enterrer définitivement la question? Ce serait aller trop vite en besogne. La tradition parlementaire exige, en effet, que le Sénat se penche, en séance plénière, sur le rapport de la commission. La plupart du temps, bien sûr, les parlementaires disciplinés se contentent d’entériner le rapport présenté par leurs pairs de la commission. Mais, dans un contexte politique extrêmement mouvant et à l’approche d’une échéance électorale qui augmente la nervosité des troupes, cette question hautement symbolique pourrait devenir, pour certains, le point de chute idéal…

En revanche, si le Parlement remise clairement toute ambition sur le sujet, adieu veaux, vaches et cochons. Les étrangers non européens risquent, alors, d’attendre très longtemps le droit de vote. En effet: malgré la thèse qu’a tenté d’accréditer Louis Michel, comment imaginer que le point figure parmi les préoccupations de la prochaine législature alors que celle-ci sera émaillée d’échéances électorales (élections régionales en 2004 et communales en 2006) qui augmenteront, une fois de plus, la capacité du Vlaams Blok de peser sur les événements politiques?

Isabelle Philippon

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire