Stars : la rançon de l’excès

Parce que les vedettes du cinéma français ne sont plus synonymes de succès, les agents annoncent un frein à l’escalade de leurs cachets. Vou pieux imposé par la conjoncture économique ou réelle nécessité ?

Lancée au cours de discussions officieuses par des agents artistiques, l’information a vite fait le tour du landerneau cinématographique : les stars vont devoir se serrer la ceinture. Effet de crise, mais pas seulement.  » Nous sommes tributaires du marché « , lance, sèchement, cette représentante de la profession, agacée de la médiatisation de ces chuchotements entre agents.

La situation économique et la réduction des budgets des films, due à la baisse des investissements des chaînes télé, ont stigmatisé un ras-le-bol qui grondait depuis quelques années : la plupart des vedettes demandent des sommes de plus en plus élevées, sans que le box-office le justifie. Dernier cas en date : Jean Reno, dont le cachet pour Le Premier Cercle, un polar signé Laurent Tuel, se serait élevé à 2,6 millions d’euros. Le film ne dépassera pas 400 000 entrées. Un échec.  » Les comédiens sont complètement déconnectés de la réalité, s’énerve le producteur français Eric Altmayer, de Mandarin Cinéma [Le Premier Jour du reste de ta vie]. Sauf exception, il y a longtemps que la rentabilité d’une production française ne dépend plus de ses vedettes.  » Les agents l’ont compris. Apparemment, pas leurs clients. Les plus connus surtout. Prenons l’exemple le plus probant : Daniel Auteuil, dans le collimateur de quelques producteurs après l’échec de négociations, le comédien ne travaillant pas au-dessous de 1,2 million d’euros par film.  » C’est un grand acteur, souligne Frédéric Brillon, d’Epithète Films, mais, sur le plan des entrées, ce n’est plus vraiment ça.  » Auteuil et d’autres piliers du cinéma français seront pourtant bien obligés d’assouplir leurs exigences s’ils veulent rester dans la course. Mis à part Bienvenue chez les Ch’tis, de et avec Dany Boon, les productions les plus rentables, en 2008, étaient portées par des acteurs aux émoluments modestes : pour preuve, Séraphine et Louise-Michel, les deux avec la Belge Yolande Moreau, qui plus est abonnée, désormais, au césar de la meilleure actrice.

Forts de cette constatation, certains producteurs n’hésitent pas à militer pour un système à l’américaine.  » Il faut arriver à pouvoir négocier deux sortes de cachets, comme cela se fait aux Etats-Unis, explique Marc Missonnier, de Fidélité Films. Un pour les grosses productions, indexé sur les derniers résultats au box-office de la star, et un autre pour les petits films, que la même star ferait pour rien. Et quand je dis rien, c’est zéro euro, mais avec un intéressement aux recettes, récupérable dès les premiers bénéfices.  » Ou comment remplacer la gourmandise par le mérite.

Si toute la profession n’en est pas encore à gommer les zéros sur les chèques, quelques signes annoncent un changement inéluctable. Exemple : Jean Reno, encore lui, aurait baissé son tarif d’un bon tiers afin que L’Immortel, de Richard Berry, polar produit par Luc Besson, puisse voir le jour.  » Et sans tergiverser des semaines « , ajoute une personne bien informée.  » Les comédiens ne sont pas stupides, explique Bertrand de Labbey, patron d’Artmedia, pépinière de stars [Daniel Auteuil, Gérard Depardieu, Vincent Lindon, etc.]. S’ils sont toujours inquiets de savoir ce qu’ils valent, ils ne vont pas s’arc-bouter envers et contre tous.  » Le cachet de l’acteur fera foi.

Christophe Carrière

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