Spadel ou les vertus de la belgitude

 » Nul besoin de s’adosser à plus gros que soi pour réussir  » aurait pu être le credo de feu Guy-Jacques du Bois, le patriarche de Spadel, la maison mère des eaux de Spa et de Bru. Le temps lui a donné raison.

Il est de ces marques qui sont à ce point entrées dans l’inconscient collectif qu’on en oublie parfois l’origine. Dans le monde anglo-saxon, seuls les plus cultivés savent d’où le mot spa tire sa source. Aux Pays-Bas, l’ancrage des eaux de Spa est si fort que nos voisins du nord ont été jusqu’à inscrire dans le langage quotidien  » een rood water  » (une eau rouge) ou  » een blauw water  » (une eau bleue) là où nous parlons encore d’eau pétillante ou plate, c’est dire. Leader incontesté sur le marché des eaux dans le Benelux, Spadel (le holding qui chapeaute les sources de Spa et de Bru) a de quoi faire saliver les géants du secteur minéralier, à l’image d’un Nestlé (Perrier, Vittel, Contrex, San Pellegrino…), Danone (Evian, Volvic, Badoit…), voire Coca-Cola (Chaudfontaine, Appolinaris…) ou Pepsi (Dasani…).

Une indéfectible volonté d’indépendance

Comme tant d’autres, Guy-Jacques du Bois (décédé récemment) et ses proches – actionnaires de référence du groupe minéralier – auraient évidemment pu jouer la carte de la surenchère étrangère, histoire de passer ensuite la main (et surtout à la caisse) plutôt que de continuer à (s’) investir dans la croissance de l’affaire. Pour justifier le bien-fondé de l’opération,  » l’excuse  » était pourtant toute trouvée : la nécessité de s’adosser à plus gros que soi, indispensable étape pour assurer la pérennité de l’entreprise dans le contexte d’internationalisation du marché et de concurrence exacerbée. Côte d’Or et les Raffineries tirlemontoises n’ont pas fait autrement. La famille du Bois n’a cependant jamais cédé au chant des sirènes, réglant de surcroît avec brio toutes les questions (difficiles) relatives à l’actionnariat de l’entreprise. Citons notamment : le rachat, en 2000, de la participation de 34,83 % d’Interbrew ; les conséquences liées au décès inopiné de Guy-Bernard du Bois – le  » dauphin  » et frère aîné de l’actuel CEO – ou, voici deux ans, le rachat par ce dernier de la participation de sa soeur (la baronne Louis Greindl), portant ainsi le contrôle personnel de Marc du Bois sur l’affaire à hauteur de 90,8 %, le solde étant dans le public et coté à la Bourse de Bruxelles.

Croissance interne et externe

De son passage (comme stagiaire) chez L’Oréal, Marc du Bois est à l’époque marqué par toutes les questions liées à l’innovation et au développement des marques. C’est d’ailleurs principalement à lui que Spadel doit la success-story de la Bru. Plus récemment, le groupe a investi 13 millions d’euros dans son usine spadoise, dopant la productivité de 20 % tout en diminuant les coûts énergétiques de plus de 40 %. Enfin, au-delà d’efforts récurrents en marketing pour consolider les parts de marché et les résultats, Marc du Bois n’entend pas transformer Spadel en tirelire à liquidités ou machine à dividendes. On le sait à l’affût d’opportunités de rachats hors frontières pour compléter le catalogue actuel. Ainsi, outre les sources de Wattwiller (Alsace) ou de Brecon Carreg (Pays de Galles) qui font déjà partie de son portefeuille, Marc du Bois négocie avec Nestlé le rachat des Eaux minérales de Ribeauvillé, qui exploitent une source en Alsace sous la marque Carola.

JEAN-MARC DAMRY

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire