SOINS D’URGENCE À CITOYENS EUROPÉENS EN DÉTRESSE

Voici plus de 6 mois, nos députés ont voté un amendement à la loi organisant les CPAS. Celui-ci prévoit qu’à compter du 27 février 2012 l’aide sociale n’est plus due par les CPAS aux ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et aux membres de leur famille pendant les trois premiers mois de leur séjour en Belgique. En ce qui concerne les demandeurs d’emploi, cette exclusion du droit à l’aide sociale est même étendue à la période plus longue pendant laquelle ils sont à la recherche d’un emploi en Belgique. Cette modification législative fait usage d’une possibilité offerte par le droit de l’Union européenne de limiter, pour une durée de trois mois – ou plus s’il s’agit d’un demandeur d’emploi -, le droit des citoyens européens aux prestations d’assistance sociale dans leur Etat membre d’accueil. Cette exception au principe de la libre circulation des citoyens européens fut intégrée au droit européen en vue de satisfaire un besoin de protection contre le  » tourisme social « . […] Mais l’intérêt national a ses limites. A cet égard, il est moralement critiquable que Maggie De Block, secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, dans une récente circulaire adressée aux présidents de CPAS, ait jugé bon de préciser que l’exclusion temporaire du droit à l’aide sociale portera également sur l’aide médicale urgente financée par les CPAS. En effet, la loi organisant les CPAS part du principe que chacun doit pouvoir mener une existence conforme à la dignité humaine. En vue de parvenir à cette fin, les CPAS sont autorisés à fournir une aide sociale, psychologique et matérielle aux plus démunis. Portée par la croyance qu’un pays tel que le nôtre ne peut laisser mourir aux portes de ses hôpitaux les plus indigents d’où qu’ils viennent, la loi a de longue date reconnu aux plus pauvres le droit à une aide médicale urgente, quand bien même ceux-ci résideraient illégalement en Belgique. Or, d’après la circulaire de la secrétaire d’Etat De Block, les CPAS ne pourront plus intervenir financièrement dans les soins médicaux d’urgence prodigués à des citoyens européens qui ne pourraient faire valoir une assurance médicale privée ou publique et qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour les prendre eux-mêmes en charge.

Moralement critiquable, cette réforme est également irresponsable. Elle fait porter toute la responsabilité sur les acteurs de la santé qui n’ont d’autre choix que de soigner ces patients de seconde zone à leur propres frais ou de les laisser mourir au mépris du serment d’Hippocrate et du devoir d’assistance auxquels ils sont tenus. Cette réforme est également inconsistante. En effet, elle prive de soins d’urgence un citoyen résidant légalement en Belgique alors qu’elle maintient ceux-ci pour un étranger en séjour illégal. Si le droit de l’Union européenne permet d’exclure les citoyens européens de l’assistance sociale, rien n’indique que cette exclusion puisse s’étendre jusqu’à l’aide médicale urgente. […]

Le droit à l’aide médicale urgente fut reconnu à tous sans distinction afin que la dignité humaine reste inviolable. C’est dans le même esprit que la charte des droits fondamentaux fut adoptée. Allant à l’encontre de cette logique égalitaire, la circulaire de Mme De Block prive notre collectivité d’un restant d’humanisme dont elle aurait bien besoin en ces temps de repli national.

GAUTIER BUSSCHAERT, ASSISTANT EN DROIT À L’UCL, PAR COURRIEL

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