Fernanda Fragateiro dans son studio portugais. Ci-dessous: Overlap (black and white) (2020). © Humberto Mouco

Singular Plural

Répondant en cela aux injonctions du système, nombreux sont les artistes mâles du minimalisme à bander leurs lignes, les ériger comme des remparts contre le monde. S’il ne nous viendrait pas à l’esprit de qualifier une oeuvre de « féminine », on n’hésitera pas en revanche à pointer une certaine féminité de la pratique. En ce sens, le travail de la Portugaise Fernanda Fragateiro (1962, Montijo) se révèle emblématique d’un souci d’autrui à notre connaissance jamais identifié chez un plasticien. Elle le prouve une nouvelle fois à l’occasion d’une exposition d’une pureté exemplaire à la galerie Irène Laub. Singular Plural renvoie vers Being Singular Plural, Etre singulier pluriel en français, l’ouvrage du philosophe Jean-Luc Nancy dans lequel le penseur identifie la possibilité de transcender le moi vers une forme d’existence plus large, un « nous » réel qui ne serait pas majestatif.

Singular Plural
© António Jorge Silva

C’est bien ce qu’opère Fernanda Fragateiro en reprenant, à l’endroit où elles les avaient laissées, les oeuvres de plasticiennes telles qu’ Agnes Martin (1912 – 2004) et Charlotte Posenenske (1930 – 1985) et en les portant à un niveau d’achèvement inédit. Cet art de la citation recontextualisée fait tout particulièrement mouche dans le cadre des célèbres grilles d’ Agnes Martin. Fernanda Fragateiro imagine des dispositifs cinétiques tridimensionnels, un système de grilles superposées, qui se découvrent comme un champ vertigineux de compositions au carrefour de la peinture et de la sculpture. En plus d’activer l’espace de façon inédite, l’artiste soulève des questions de l’histoire sociale, politique, urbanistique et esthétique du modernisme architectural – ainsi de celles de l’enfermement et des effets pervers de la transparence. Cela dit, la grande force du travail exposé réside dans son évidence formelle: les grilles en métal troublent l’oeil, l’emmènent du côté de ses limites physiques.

A la galerie Irène Laub, à Bruxelles, jusqu’au 10 avril.

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