Singapore Airlines Pilotage anticrise

La compagnie – une des plus rentables du monde – souffre, comme les autres, de l’effondrement du trafic. Mais compte sur l’A 380 pour reprendre son envol.

Le super-jumbo attend ses 433 passagers, en ce mardi 2 juin, à Roissy-Charles-de-Gaulle. Deux heures avant le décollage de Paris du premier A 380 aux couleurs de Singapore Airlines (SIA), les invités, triés sur le volet, s’extasient sur le géant des airs. Un événement  » historique « , selon un fan de l’aérien, relégué au second plan par le drame du vol d’Air France Rio-Paris disparu dans la nuit. Les pilotes et les  » Singapour girls  » posent pour la photo. De son côté, Huang Cheng Eng, vice-président marketing de la compagnie de Singapour, se félicite : pour cette première traversée, le vol est rempli à 92 %.

Malgré ce chiffre record, Singapore Airlines, une des compagnies les plus rentables du monde, souffre, elle aussi, de la crise mondiale qui dévaste le secteur. Au premier trimestre 2009, elle a vu son trafic plonger de 20 % et ses bénéfices dégringoler de 92 % ! Signe tangible de la dégradation, le nombre de plateaux-repas au départ de Singapour est passé de 50 000 par jour à 40 000 entre le premier trimestre 2008 et le premier trimestre 2009. Aujourd’hui, le transporteur  » « modèle », baromètre de la santé de l’aérien « , selon un expert, se demande comment surmonter la crise. Sans insulter l’avenir.

 » C’est un groupe remarquable, très bien géré. Un exemple pour tous.  » Cet éloge ne vient pas d’un cadre enthousiaste mais d’un concurrent bluffé. Partenaire de la Star Alliance, le transporteur aux 400 récompenses est, en effet, le symbole du haut de gamme et de la qualité de service. Il a refusé, par exemple, de densifier l’A 380, offrant seulement 471 sièges alors qu’il aurait pu en proposer 853. Mais, plus que ce souci du luxe, c’est la gestion rigoureuse du groupe qui suscite l’admiration.  » Nous pouvons dépenser des milliards pour acheter des A 380, mais, en interne, chaque poste est contrôlé « , raconte Jerry Seah, directeur général France. La force de SIA ? Une productivité exceptionnelle, avec des salaires moins élevés qu’ailleurs et une flotte très jeune (6 ans en moyenne). Résultat, la marge opérationnelle s’est toujours maintenue autour de 6 à 8 %, pour 3 à 5 % en moyenne dans le secteur. Jusqu’icià

Aujourd’hui, Singapore est frappée de plein fouet. La compagnie avait acheté du kérosène à l’avance pour se prémunir contre la hausse des cours. Aussi, quand le pétrole est tombé à 40 dollars le baril, elle a perdu beaucoup d’argent. Ensuite, SIA a surdimensionné ses classes affaires – jusqu’à 100 sièges sur le Singapour-New York. Or, les entreprises ont restreint leurs dépenses de voyage. Et Singapore, dont le hub est excentré, ne peut pas compenser ses pertes sur l’Asie par d’autres destinations.

Pourtant, la compagnie en a vu d’autres – en 1997, lors du krach boursier, puis en 2000 à cause du Sras – et a appris à s’adapter. Elle a ainsi pris des mesures drastiques, retirant 16 avions de sa flotte, réduisant de 11 % ses capacités et gelant les embauches. Et s’est recentrée sur ses lignes les plus rentables, comme Paris – première destination en Europe occidentale. Elle n’hésite plus à faire des promotions,  » en rupture avec sa politique « , note un expert.

Optimiste, Singapore Airlines compte sur le retour des hommes d’affaires,  » qui, au-delà de 8 heures, refusent la classe éco « , affirme Jerry Seah. Surtout, le transporteur, qui n’a pour l’instant ni annulé ni reporté de commandes, parie sur l’effet A 380.  » Partout où nous l’avons mis, nous avons gagné des parts de marché « , souligne Huang Cheng Eng.  » C’est une chance pour l’avenir « , insiste un cadre de SIA. Ne reste plus qu’à attendre la reprise.

Corinne Scemama

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