Silence radios

Myriam Leroy
Myriam Leroy Journaliste, chroniqueuse, écrivain

Les pouvoirs publics veulent faire le ménage sur la bande FM via un plan de fréquences radio. Aujourd’hui, certaines stations doivent déjà cesser d’émettre.

Véritable monstre du Loch Ness, le plan de fréquences radio fait parler de lui depuis des années sans qu’aucune solution émerge durablement… Or, la remise en ordre du secteur s’avère indispensable : la radio s’est développée dans un contexte de rareté, et de flou juridique, permettant aux éditeurs privés de se lancer à l’assaut des fréquences disponibles de manière assez anarchique. Voici des années que le gouvernement de la Communauté française veut mettre les choses à plat et que ses plans capotent à cause des embûches techniques ou des conflits avec la Flandre.

Fadila Laanan, ministre en charge de l’audiovisuel, entend réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. La Communauté française a piloté l’établissement d’un cadastre des fréquences assignables. Et le 22 janvier, le Moniteur belge a publié l’appel d’offres pour l’attribution de ces fréquences. Les éditeurs de services radio avaient 60 jours pour postuler et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) doit distribuer les parts du gâteau d’ici au 22 juin ( lire Le Vif/L’Express du 25 janvier).

En tout, 11 réseaux (4 qui couvrent l’ensemble de la Communauté française, 2 qui émettent dans les grandes villes et 5 sur une province) et 85 fréquences indépendantes sont en jeu. On sait aujourd’hui qu’après un premier examen formel des candidatures, 19 postulants ont été retenus pour 11 réseaux. Et qu’une rude bataille se jouera autour des paquets communautaires : 6 appelés (Bel RTL, Contact, Nostalgie, NRJ, Fun et Ciel) pour 4 élus. Les vainqueurs seront désignés notamment sur la base de critères comme le pluralisme et la diversité du paysage radiophonique.

24 dossiers jugés irrecevables

Le CSA, lors de son premier écrémage, a déjà prononcé la sentence de mort pour certaines radios puisque 24 dossiers sur 163 ont été jugés irrecevables (incomplets, arrivés trop tard…). Il y a trois types d’exclus, censés arrêter d’émettre d’ici à la fin du mois : ceux qui gardent espoir, ceux qui ne veulent rien savoir et ceux qui se font une raison.

Dans la première catégorie, on retrouve Radio Al Manar, qui s’adresse à la communauté arabe depuis Bruxelles. Elle avait postulé tous azimuts et a vu une partie de ses prétentions recalées : elle n’est plus en lice que pour un réseau urbain. Et compte bien l’obtenir :  » 6 % de la population en Communauté française est d’origine arabe. Nous méritons donc 6 % des fréquences. Notre public doit avoir une radio qui lui permette de s’intégrer « , avance Ahmed Bouda, président de la radio.

Du côté de ceux qui n’entendent pas se conformer à la sentence, il y a Bernard Olivier, le patron de Radio El Boss, une station d’Obourg au studio planté dans un complexe bar/friterie.  » Ma radio, ils ne me la couperont jamais « , tonne le boss. Bernard Olivier y a investi 250 000 euros il y a un an. Il a envoyé un courrier au Conseil d’Etat, via son avocat, et espère casser la décision du CSA.  » Je n’arrêterai jamais d’émettre… S’ils viennent ici, ils ont intérêt à le faire avec une armée. »

Et puis, au rayon des résignés, on peut pointer Nova FM, la radio étudiante de l’UCL, une institution à Louvain-la-Neu-ve. Gérée par un kot à projet, c’est dans son studio que les apprentis journalistes tâtaient du micro. Les responsables de Nova FM se savent en partie responsables : ils ont rendu au CSA un dossier incomplet. Le directeur d’antenne, Cédric Baufayt, s’insurge :  » On est tous aux études. Personne n’avait de temps à consacrer à la rédaction de cet énorme dossier. On a demandé le même effort à Nova qu’à Bel RTL. « 

L’avenir de la radio universitaire, et des autres, passera peut-être par le podcast ou la webradio. Ou par un recours qui ferait voler en éclats le plan de fréquences. Wait and see…

Myriam Leroy

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