Pierre Havaux

« Si la N-VA se met à nuire au néerlandais… »

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Pas de quoi s’en vanter. Le gouvernement Jambon (N-VA – CD&V – Open VLD) envisageait, si possible sans l’ébruiter, de faire davantage succomber l’enseignement supérieur flamand au charme des langues étrangères, jusqu’à autoriser la moitié des matières enseignées dans les filières de bachelier à l’être dans une autre langue que le néerlandais.

En anglais, of course. Mis au parfum par la presse de ce qui avait tout l’air d’une cachotterie, six historiens et politologues médiatiquement connus (dont Bruno De Wever, Dave Sinardet, Bart Maddens) et de tous horizons universitaires (Gand, KULeuven, VUB) ont pris la plume. Pour s’alarmer de l’anglicisation des unifs flamandes. Pour s’indigner que l’inimaginable se niche dans l’article 96 d’un projet de décret adopté en catamini. Pour s’étonner lourdement du  » yes  » des ministres N-VA à un sacrilège pire encore qu’une non-assistance à néerlandais en danger. Comment osent-ils, eux,  » les héritiers de ce mouvement flamand qui a réussi à faire basculer le mépris et la condescendante bienveillance des élites francophones au bénéfice de la langue du peuple. La N-VA a-t-elle oublié la raison d’être du Mouvement flamand ? « , ont pointé non sans malice les académiciens dans une tribune libre publiée dans De Standaard. A quoi bon des décennies de lutte consacrée à émanciper la Flandre de la langue de Molière si c’est pour se laisser coloniser par celle de Shakespeare et marginaliser celle de Vondel ?

Au N-VA Ben Weyts est revenu le triste privilège d’encaisser de plein fouet la tirade assassine. Pour le premier nationaliste flamand de l’histoire à hériter du portefeuille de l’enseignement, voilà qui fait tache sur le CV. Le ministre a naturellement pu tout expliquer, et en anglais dans le texte :  » The proof of the pudding is in the eating « , ( » on juge l’arbre à ses fruits « ) et  » the eating  » sera la décision encore loin d’être arrêtée par le gouvernement. Mais il sera bien difficile de rester insensible à la supplique des universités et hautes écoles de voir l’anglais y prendre ses aises si l’on veut attirer de l’étranger les talents de demain, gagner en prestige et en place dans les rankings internationaux.  » What’s the problem ?  » a contre-attaqué un doyen de faculté à la KULeuven, friand de cette  » ouverture salutaire sur le monde, hors de la petite Flandre « .

 » The problem « , s’alarment les opposants, ce sera l’accès à l’enseignement supérieur compliqué par une barrière linguistique que pourront franchir sans difficultés les étudiants les plus favorisés sur le plan socio-culturel.  » The problem « , c’est le blason terni de la N-VA, au pire accusée de trahir ses idéaux, au mieux d' » énorme nonchalance « , dixit le politologue de la KULeuven Bart Maddens, dont le sang survitaminé au flamingantisme n’a fait qu’un tour.  » Publier des livres sur l’identité, philosopher sur la culture occidentale, imaginer des modèles institutionnels sophistiqués, ça oui. Mais simplement veiller à la législation linguistique, c’est trop demander.  »

Mais que font le ban et l’arrière-ban flamingant, étrangement sans voix sur la question avant de rompre le silence, le pot aux roses découvert. Hugo Maes, président du Vlaamse Volksbeweging, s’est mis comme tout le monde à l’anglais pour flétrir la posture des ministres N-VA :  » Shame on you.  » Ames flamingantes et sensibles s’abstenir.

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