Jan Karski, le résistant © Anthony Calvacca/gettyimages

Shoah : des lanceurs d’alerte peu entendus

Professeur à l’université Paris-Nanterre, Annette Becker retrace dans Messagers du désastre (Fayard Histoire, 288 p.) le parcours de deux lanceurs d’alerte de l’extermination des juifs lors de la Seconde Guerre mondiale, les Polonais Jan Karski et Raphael Lemkin. Le premier, résistant catholique, ira jusque dans le bureau du président des Etats-Unis, Franklin Roosevelt, pour tenter de sensibiliser aux atrocités nazies. Le second, juriste juif, mènera un combat pour nommer (par le terme génocide) et punir le crime de destruction d’un peuple. Au coeur de l’étude très riche d’Annette Becker, figure la question centrale : pourquoi rien n’a-t-il été fait par les Alliés pour stopper la Shoah ? L’auteure avance le caractère sans précédent et inimaginable du projet d’élimination des juifs, la crainte que les moyens mis en oeuvre pour leur sauvetage ne handicape l’effort de guerre général et aussi le souvenir d’une falsification de l’histoire quand, lors de la Grande Guerre, les Américains inventèrent que les Allemands coupaient les mains des enfants dans la Belgique occupée. Pourtant, le message de Jan Karski était clair dès l’été 1942 : certes  » les Allemands veulent briser le peuple polonais « , mais  » ils sont déterminés à effacer les juifs comme peuple et comme individus « . A l’heure où les dirigeants polonais sont soupçonnés de vouloir exonérer leurs concitoyens de toute responsabilité dans la collaboration avec les nazis au travers d’une loi pénalisant l’utilisation effectivement abusive de la dénomination  » camps de la mort polonais « , le récit de la lutte essentielle de ces deux Polonais pour prévenir l’innommable permet de mieux comprendre la période la plus tragique de l’histoire du xxe siècle.

Raphael Lemkin, le juriste.
Raphael Lemkin, le juriste.© reporters
Shoah : des lanceurs d'alerte peu entendus

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