Schaerbeek : fatale attraction

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

De grandes pointures politiques s’affronteront, lors du prochain scrutin communal, pour prendre le pouvoir dans la cité des ânes. Schaerbeek, un champ de bataille politique en modèle réduit ? Le FDF, Ecolo et le CDH se seraient déjà entendus pour en sortir ensemble vainqueurs…

Schaerbeek, ses 127 000 habitants, sa vie multiculturelle, son chef de zone de police, son parc Josaphat… Bienvenue sur ce coin de terre, la 2e commune la plus peuplée de la Région bruxelloise et la 6e du pays. Quelques ténors de la vie politique ne se sont pas fait prier : à quelques mois des élections communales, ils s’apprêtent à s’y affronter pour obtenir le maïorat.

Dans les starting-blocks figurent ainsi le bourgmestre sortant Bernard Clerfayt (FDF), Isabelle Durant, ex-vice-Première ministre Ecolo et conseillère communale, Laurette Onkelinx, toujours vice-Première ministre socialiste. Louis Michel, annoncé un moment pour soutenir la liste libérale lors du prochain scrutin, ne le fera finalement pas. Le nom du Carolo Olivier Chastel (MR) a également été cité. Enfin, côté CDH, c’est Denis Grimberghs, qui devrait, en chef de file, convaincre les électeurs…

 » C’est assez rare de voir autant de grandes personnalités politiques s’affronter dans une même commune, souligne Pascal Delwit, politologue à l’ULB. Mais il faut se souvenir que Schaerbeek, a pendant la période du bourgmestre Roger Nols (1970-1989), échappé à pratiquement tout parti. Autrement dit, cette commune, en quelque sorte en déshérence après la fin de son maïorat, donnait l’impression d’être prenable par tout le monde. « 

D’où la concurrence de grandes pointures comme celle-là à l’échelon local. Leur présence (ou leur débarquement annoncé) n’est pas sans arrière-pensée stratégique : elle aura forcément un effet de levier pour le poids électoral de chaque parti lors des autres scrutins. Or les élections régionales sont prévues en 2014…  » Il reste, dans certains partis, une croyance selon laquelle si on ne détient pas le maïorat d’une commune importante, on est un nain au niveau régional et fédéral, regrette Isabelle Durant. D’où l’envie de certains de remporter le trophée schaerbeekois, qui n’est pas le moindre. Mais ce calcul est très malsain. En outre, le parachutage ne marche pas, à Schaerbeek. « 

Mais quels sont donc les atouts de Schaerbeek pour séduire autant, sa taille et son positionnement géostratégique mis à part ?  » D’un point de vue sociologique, elle résume à elle seule la Région bruxelloise « , avance Michel De Herde, échevin FDF des Finances. On y trouve de beaux quartiers et des ensembles plus populaires, un étonnant brassage de populations, des styles urbanistiques différents. En outre, Schaerbeek a plutôt bien réussi sa rénovation et son redéploiement depuis une vingtaine d’années. Sa police, dirigée par un chef de corps qui fait bien des envieux, affiche un bilan positif.  » C’est aussi une commune où il reste de nombreux enjeux en termes de développement économique, entre autres avec l’affectation du site de Schaerbeek-formation et la zone commerciale en devenir près du canal « , ajoute Michel De Herde.

Il n’est pas non plus exclu, à terme, que le RER traverse son territoire ni que des stations de métro n’y ouvrent un jour. Et, si la VRT et, peut-être la RTBF, partaient s’installer ailleurs, elles libéreraient forcément des terrains à réaffecter.  » Tout n’est donc pas joué à Schaerbeek, insiste Magali Verdonck, professeur d’économie aux Facultés universitaires Saint- Louis et co-directrice du centre d’études régionales bruxelloises. D’importants projets restent à mener et, parmi eux, beaucoup ont une dimension régionale. « 

Ces diverses perspectives d’avenir ne peuvent, effectivement, que séduire de potentiels élus. Quel que soit leur parcours dans la commune. Si Bernard Clerfayt et Isabelle Durant sont dans la place depuis longtemps, il n’en va pas de même pour Laurette Onkelinx qui s’est présentée pour la première fois aux électeurs schaerbeekois en 2006. Elle avait alors récolté quelque 5 000 voix de préférence.  » Son arrivée à Bruxelles répond à la stratégie du PS qui cherchait à s’emparer de bastions libéraux « , analyse Jean Faniel, politologue au Crisp (Centre de recherches et d’informations sociopolitiques). Or cinq des plus grandes villes du pays (Anvers, Gand, Liège, Charleroi et Bruxelles-Ville) sont déjà aux mains de la gauche. Reste à descendre plus bas dans la liste, d’autant que le profil de la population schaerbeekoise correspond bien au terreau du parti de Laurette Onkelinx.

Un peu de piment

Les choses sont plus délicates du côté du MR et du FDF : depuis le divorce officiel entre ces deux formations, deux échevins libéraux ont en effet fait sécession et ont choisi de soutenir la liste du bourgmestre FDF.  » S’ils étaient restés unis, ou si les deux formations faisaient encore alliance, la probabilité de voir le Parti socialiste monter au pouvoir aurait été nulle « , analyse Didier Gosuin, bourgmestre FDF d’Auderghem. La scission sert donc les intérêts du Parti socialiste, à ses yeux.

Selon le bourgmestre d’Auderghem, le MR et le PS se sont entendus, lors des négociations pour la formation du gouvernement fédéral, pour s’allier au pouvoir dans les grandes villes.  » Peut-être qu’il existe des accords donnant-donnant entre partis, pour le scrutin communal et pour les régionales, avance Pascal Delwit. Mais au soir des élections, tout peut éclater, pour des raisons de stratégie électorales ou pour des raisons personnelles de positionnement des élus. Il ne faut pas oublier non plus que les états-majors des partis ne sont pas toujours en mesure de faire plier leurs sections communales… « 

Les libéraux, qui perdent, avec Bernard Clerfayt, un important collecteur de voix, ont bien sûr envie de récupérer la commune. Et de montrer que le MR peut enregistrer de bons résultats même sans le FDF. Le FDF compte 4 bourgmestres à Bruxelles : Didier Gosuin, Olivier Maingain et Martine Payfa, qui sont fort bien implantés sur leurs terres d’Auderghem, de Woluwe-Saint-Lambert et de Watermael-Boitsfort. Reste Schaerbeek, dont le c£ur pourrait être à prendre.

 » La scission entre le MR et le FDF ouvre un peu le jeu politique, observe Pascal Delwit. En 2006, Bernard Clerfayt s’était présenté à Schaerbeek comme « l’homme de la commune », mais depuis lors, il a accepté une fonction au sein du gouvernement fédéral.  » Ce qui pourrait le rendre un peu moins crédible aux yeux des électeurs.

Georges Verzin, échevin libéral de l’Instruction publique, qui devrait tirer la liste MR, dit ne rien craindre.  » Nous avons des contacts avec tout le monde et nous sommes aussi en discussion avec le groupe VLD « , insiste-t-il.

L’information selon laquelle un préaccord serait conclu entre la liste de Bernard Clerfayt, Ecolo et le CDH n’en circule pas moins avec insistance. Denis Grimberghs, chef de file CDH assure que s’il devait exister, cet accord serait rendu public au plus vite. Sur la base des préférences émises en 2006 par les électeurs, ces trois partis rassembleraient aujourd’hui 33 sièges sur 47 au conseil communal.  » Rien ne permet de dire que le CDH ait déjà fait un choix « , assure Georges Verzin. Il n’empêche que si l’on reprend la liste des décisions prises par le conseil communal schaerbeekois au cours de cette législature, en matière de budget, de mobilité, de gestion du boom démographique et autres, les trois formations précitées ont souvent eu des approches très concordantes…

LAURENCE VAN RUYMBEKE

Un pré-accord ?

En tout cas, des approches convergentes…

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