» SANS MA FEMME ET MA FILLE, JE NE SERAIS PLUS LÀ… « 

En 1997, le jeune chef belge Roland Debuyst (photo, à dr.) remporte le Bocuse d’argent, l’une des plus prestigieuses distinctions gastronomiques au monde, après avoir décroché deux ans auparavant le prix Prosper-Montagnée du meilleur chef belge. En 2002, son restaurant L’Orangeraie, à Nossegem, obtient sa première étoile Michelin. Pour ce trentenaire, c’est la promesse d’une carrière brillante.  » Le but était alors clairement d’avoir une deuxième étoile « , raconte-t-il plus de dix ans après.

Très vite, les choses tournent mal.  » Il y avait trop peu de demandes de réservations, à part le week-end, alors que nous pouvions servir septante couverts. C’est le grand problème de la restauration : même si l’on n’est pas complet, on doit toujours avoir la même quantité de produits et de personnel. Il n’y a pas de chômage économique comme dans le bâtiment. Le business était difficile et je ne cessais de me poser des questions : était-ce dû à moi ? A la situation du restaurant ? Au contexte général ? On creusait le trou, on menait une politique au lance-pierres pour payer ce que l’on pouvait payer… Je travaillais comme un fou et je n’avais pas de vie.  »

Un soir, à l’issue d’une semaine particulièrement creuse, il se retrouve seul dans son restaurant et songe à mettre fin à ses jours. Le burn out.  » J’étais épuisé, à bout, dit-il. S’il n’y avait pas eu ma femme et ma fille, j’étais parti…  » C’est le drame survenu en 2003 à un chef français, Bernard Loiseau, qui craignait, lui, de perdre sa troisième étoile au Michelin.  » Ce n’est pas l’étoile qui m’avait mis la pression, poursuit Roland Debuyst. La pression, on se la met soi-même. Je n’étais pas en colère, j’étais terriblement déçu. Je me demandais pourquoi je me battais.  »

Ayant échappé au pire, le chef décide de tout arrêter. Ou plutôt, de tout recommencer.  » J’ai rendu mon étoile au Michelin et j’ai complètement repensé mon concept.  » Fini la haute technicité, adieu l’excellence à tout prix, il s’associe à deux investisseurs pour développer un concept de brasserie traditionnelle.  » Nous avons aujourd’hui trois établissements à Nossegem, Zaventem et Grand-Bigard, dit-il. Trois Bib gourmands au Michelin (NDLR : un label créé en 1997 pour saluer les meilleurs rapports qualité-prix), ce qui est amplement suffisant. Je ne voulais plus me retrouver la boule au ventre et paniquer dix jours avant la remise des prix pour savoir si je gardais mon étoile. Plus pour moi !  »

O.M.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire