Sacrés bonus

Disons-le tout net : on en a eu le souffle coupé. La belle farce que voilà ! Oser proposer, quelques mois à peine après le krach financier, de redistribuer des bonus aux traders… on devait se pincer pour le croire. Dans le panorama éteint de l’économie, ça redémarrait mal, très mal. Et dans l’esprit des contribuables, qui ont dû mettre la main à la poche pour sauver des banques à l’agonie, ça faisait tache. Surtout avec les courbes du chômage qui ne font que grimper.

En confirmant que BNP Paribas (qui a reçu 5 milliards d’euros d’aides publiques) avait bien provisionné 1 milliard d’euros à distribuer à ses meilleurs cadres en fin d’année  » au vu des résultats effectifs de l’exercice « , Baudouin Prot, son patron, a lancé un fameux pavé dans la mare médiatico-financière. Et pourtant, rien d’illégal dans cette stratégie. Juste une question d’éthique. Mais l’éthique fait-elle toujours bon ménage avec le business ?

Hier, on pointait les  » affreux « , les flambeurs roulant carrosse, ceux qui, aux yeux de l’opinion publique, avaient largement contribué au tsunami bancaire. Aujourd’hui, les voilà donc réhabilités. C’est que la Bourse flirte à nouveau avec l’euphorie (+ 50 % à Bruxelles par rapport à son plus bas niveau de mars 2009). Une douce brise soufflerait sur la crise, on parlerait même d’embellie. Il y aurait donc  » une décélération de l’aggravation de la situation « . Fini le climat de fin du monde ; envolée la culpabilité ! Les banques, comme KBC ou BNP Paribas justement, reprennent du poil de la bête, un vent d’optimisme se faufile dans les arcanes de la finance.  » Ce ne sont pas les bénéfices qui me font bondir, mais le fait qu’ils vont aller dans les poches de quelques-uns « , s’insurge cette semaine, dans les colonnes du Vif/L’Express, la vice-Première ministre Laurette Onkelinx. Et parmi les heureux bénéficiaires… les traders.  » Les traders ont une fonction essentielle dans l’économie, ils font circuler le capital. (…) Il faut résoudre le problème des bonus de manière transparente et avec pragmatisme « , nuance, pour notre magazine, Bruno Colmant, le patron de la Bourse de Bruxelles.

Il n’empêche. Le dossier est si sensible que le président Sarkozy en personne a déjà prévu de se mouiller. A la fin du mois d’août, il bousculera les grands patrons des établissements bancaires français pour qu’ils veillent à faire respecter ne fût-ce que les règles, bien modestes, proposées en avril dernier, par le G 20. Un encadrement timide, non assorti de sanctions et peu contraignant. De bien maigres outils.

De fait, avec le rebond bancaire et boursier, les responsables politiques, pris de court, pataugent. C’est que le temps leur a manqué pour changer les lois, établir des nouvelles normes, prévoir des mesures répressives.  » Moraliser le système financier ? Non-sens !  » prévient Bruno Colmant. Entre-temps, la crise, elle, s’incruste. Qu’espérer de la spéculation, totalement déconnectée de l’économie réelle et qui se nourrit d’elle-même, pour résoudre les problèmes budgétaires, relancer l’emploi ? Qu’attendre des banques ? De la prudence, certes. Mais aussi qu’elles prêtent de l’argent (c’est bien le moins, l’épargne des Belges qui dort sur les comptes atteint 172,5 milliards d’euros). Mais on sait les banquiers bien frileux.  » Les banques paieront aussi la rigueur « , promet Laurette Onkelinx. Et la ministre des Affaires sociales de proposer, dans nos colonnes,  » une cotisation spéciale de crise sur le secteur bancaire « . Une affaire à suivre de très près.

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Fini le climat de fin du monde ; envolée la culpabilité !

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