Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Le Royaume-Uni engendre une pop cafardeuse: Tindersticks, Mogwai et Arab Strap illustrent les tendances spleen du moment

Pour les fans belges des Tindersticks, la morosité se ramasse à la pelle: en ce début de mai, le groupe mélancolique n° 1 d’outre-Manche offre pas moins de quatre concerts dans le cadre du Botanique, à Bruxelles! On entend déjà les railleries des « anti » à l’énoncé de toutes ces Tinderstickeries: bonjour la surdose de valium! Jugement injuste, dans la mesure où la petite décennie d’existence de ce combo (créé en 1991 à Nottingham) a prouvé que les délices de cafard des Tindersticks se manifestaient toujours dans la plus extrême élégance.

Dans une discographie généreuse – cinq albums studios mais aussi des live, BO, compils -, on retrouve quelques caractéristiques qui en font un groupe parfaitement cohérent: arrangements soignés dans la gestuelle – voire dans la sensualité -, mélodies en sous-sol qui gravent le parcours de la chanson sur une matrice profonde et la voix, fameuse, du chanteur Stuart Staples, le type qui se rase « à la Gainsbourg ». Toute une école, donc, qui revoit les petites mathématiques besogneusement appliquées par d’autres groupes pop: au-delà de la théâtralisation de sa musique, le groupe nourrit une conduite intime et rigoureuse, tant dans les structures musicales que dans ses affaires, si vampirisantes pour la majorité des musiciens. Promotion discrète, absence de forfanterie et projets toujours en priorité artistique plutôt que commerciale. La preuve au Botanique, où les Tindersticks joueront sans aucun doute les chansons extraites de leur prochain disque, Can Our Love, à paraître fin mai. Mais, pour son dixième anniversaire, Tindersticks a justement voulu élargir son image en donnant quatre concerts différents: le mercredi 9 mai, répertoire des premiers temps et guitares électriques. Le jeudi 10, le groupe est rejoint par Paula Frazer et une section de cordes de l’ensemble Musiques nouvelles pour des duos et des ballades. Le vendredi 11 s’annonce soul avec choeurs et cuivres à la clé. Le dernier set, du samedi 12, reste pour l’instant une « surprise ». Outre les représentations du groupe, le Bota en intégrale Tindersticks présentera également des DJ (dont Andrew Weatherhall), un court-métrage de Martin Wallace et deux films dont les musiques ont été composées par le groupe: Nénette et Boni de Claire Denis et, en première mondiale, le dessin animé Trojan Horse de Cosgrove Hall. Sans oublier des photos (des… Tindersticks) au musée du Botanique, qui a décidément bien fait les choses.

Bruine écossaise

S’ils sont moins notre « cup of tea » que les Tindersticks, Mogwai et Arab Strap sont indéniablement des bruits à suivre. Des bruits du moment, s’entend. Et qui viennent, l’un comme l’autre, de cette Ecosse à la fois inquiète et spacieuse. Une définition possible du duo Arab Strap qu’un magazine britannique présentait également comme champion des « decrescendos »: façon imagée de parler du dernier CD ( The Red Thread) et des mouvements névrosés qui agitent des chansons tour à tour caressantes et glauques.

Mogwai travaille un peu dans le même registre des sentiments bafoués mais, comme dans son nouveau disque ( Rock Action), il creuse un sillon tellement profond qu’on est tenté de s’y lover confortablement. Ce quintet de Glasgow, certes peu spectaculaire, joue de dissonances et de sonorités parfois incongrues comme si c’étaient les remèdes naturels pour rassurer tout le monde.

On pourrait dire que leur musique est une version radicale de muzak plongée dans les tracas soniques (et psy) de notre formidable nouveau siècle. Bonjour tristesse, donc: mais Mogwai vous tend quand même le mouchoir pour bien pleurer.

Au Botanique, à Bruxelles: les Tindersticks, du 9 au 12 mai, Mogwai, le 16 mai, et Arab Strap, le 3 juin. Infos: 02-218 37 32.

CD de Mogwai, Rock Action, chez Pias, CD d’Arab Strap, The Red Thread, chez De Konkurrent.

Philippe Cornet

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