Rideau sur l’Eros Center ?

L’ASBL censée piloter ce dossier ne s’est plus réunie depuis un an. Mais le bourgmestre le promet : le projet n’est pas mort. Même si son partenaire de majorité, le CDH, freine des quatre fers.

Les autorités entendaient faire place nette. Elaguer cette drôle de jungle qui squattait le quartier Cathédrale Nord. Deal, toxicomanie, commerces illégaux… Et prostitution. Au fil des ans, les étroites rues de l’Agneau et du Champion avaient fini par abriter 52 carrés. Un cadre jugé peu reluisant. D’autant que le projet immobilier Grand-Poste (mêlant hôtel et commerces de luxe) se voyait mal cohabiter avec un tel environnement…

Alors le Collège n’a pas hésité : les salons devaient fermer. Les néons roses se sont définitivement éteints le 1er avril 2009. Laissant sur le carreau une centaine de travailleuses du sexe. Pour assurer la transition, l’idée d’un Eros Center est lancée. Ou plutôt d’un Isatis Center, la seconde dénomination étant préférée histoire d’éviter toute confusion avec la Villa Tinto anversoise, dirigée par un privé.

Pas question pour la Ville d’être accusée de proxénétisme en développant elle-même ce complexe censé réunir 50 salons. La structure devait être gérée par Isatis, une ASBL derrière laquelle on retrouve l’association Icar, spécialisée dans le travail social en milieu prostitutionnel. Les pouvoirs publics devaient se porter garants pour un prêt de 5 millions et mettre un terrain à disposition rue Varin, autre haut lieu du commerce de charmes. Le conseil d’administration regroupant par ailleurs des politiques issus des quatre grands partis, présents à titre personnel.

Nouveaux visages de la prostitution

Le projet a fait débat pendant trois ans. Jusqu’en avril 2012, date de la dernière réunion d’Isatis.  » Et depuis, plus rien, regrette sa présidente Michèle Villain. Nous nous sommes retrouvés avec une discussion sur ce dossier en juin dernier, confirme Willy Demeyer en brandissant le PV de la réunion. A quatre mois des élections communales…  »

Le bourgmestre socialiste jure pourtant ne pas  » s’être assis sur le dossier  » et promet de le relancer,  » même si ce n’est pas une priorité et que mon objectif principal reste l’équilibre budgétaire « . Mais l’opposition doute de sa volonté.  » C’est la politique du chien crevé qui suit le fil de l’eau !, dénonce l’Ecolo Bénédicte Heindrichs, membre du CA. On n’en est toujours nulle part et le responsable est Willy Demeyer.  »  » On ne peut pas sempiternellement reporter le débat, enchaîne Elisabeth Fraipont, conseillère MR et également administratrice. En attendant, le problème de la prostitution est certes larvé mais toujours présent.  »

Bénédicte Heindrichs accuse également le maïeur de ne pas avoir ouvert le débat au sein du conseil communal. Par peur de s’attirer les foudres de son partenaire de majorité ? Le CDH ne s’est en effet jamais réellement montré favorable au projet.  » Mais j’ai une grande force de persuasion, sourit Willy Demeyer. Et je n’abandonne jamais.  »

Reste qu’en quatre ans, le visage de la prostitution s’est transformé. Se réfugiant davantage derrière Internet et les portes closes d’appartements. Depuis la fermeture des salons, certaines filles ont choisi cette voie. Selon Michèle Villain, beaucoup d’autres se sont tassées rue Marnix à Seraing, où les vitrines frôlent la surpopulation. Seules quelques-unes ont définitivement raccroché. Mais le quartier Cathédrale Nord, lui, a fait place nette…

MÉLANIE GEELKENS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire