Un autoportrait, cette Rhapsodie en Rousse ? La femme à la dague ressemble comme deux gouttes d'eau à l'artiste. © COURTESY OF THE ARTIST AND PIPPY HOULDSWORTH GALLERY, LONDON. PHOTO: GERT-JAN VAN ROOIJ.

Rhapsodie en Rousse Jacqueline de Jong (1981)

Prétendre vouloir expliquer une oeuvre de Jacqueline de Jong (Hengelo, 1939) est pour le moins courageux. La raison en est simple: tout comme Andy Warhol, la Néerlandaise refuse depuis toujours de livrer les clés d’interprétation de son travail. Osons néanmoins décrypter Jacqueline.

Cette Rhapsodie en Rousse peut se comprendre comme un autoportrait dans la mesure où la femme fatale qui apparaît avec une dague à la main ressemble comme deux gouttes d’eau à l’artiste. La toile s’inscrit au coeur d’une suite d’oeuvres baptisée Série noire. L’intitulé renvoie sans ambiguïté à la collection éponyme de livres de poche lancée par Marcel Duhamel en 1948, laquelle collection avait pour signe distinctif d’afficher des couvertures sans la moindre image. En guise de contre-pied, ou peut-être de contre-histoire, une spécialité de la plasticienne, de Jong s’empare des titres des polars pour leur greffer une élucubration picturale de son cru. Bien sûr, il ne faut pas y chercher le moindre rapport avec la narration du roman noir en question car de Jong choisit de se livrer à une divagation-appropriation imaginaire.

« Le spectateur est renvoyé à ses propres pulsions voyeuristes, qui réinscrivent la violence et la folie comme des forces inaliénables de la nature humaine, tout en soumettant le langage pictural à des détournements burlesques », commente Devrim Bayar, la cocommissaire de The Ultimate Kiss. A l’heure où se trame un grand rééquilibrage opéré par le milieu de l’art, au sein duquel les oeuvres féminines sont enfin regardées sans préjugés, la production de Jacqueline de Jong s’avère nécessaire car moins déterminée par l’institution ou le marché. Rhapsodie en Rousse peut donc s’envisager comme une ode à la liberté artistique. Récemment, la plasticienne franco-turque Nil Yalter évoquait le retour en grâce de cette génération de femmes passée sous silence en déclarant au magazine Art Press : « On nous craint, on nous respecte, on a besoin de nous, on ne peut plus nous ignorer. » La phrase s’applique idéalement à de Jong qui, à 82 ans, continue aujourd’hui encore de défier les conventions.

Au Wiels, à Bruxelles, jusqu’au 15 août.

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