Retards à l’allumage

Galileo, qui devrait concurrencer le système américain de guidage par satellites, pourrait ne jamais décoller. Voici pourquoi

Jamais à court de symboles, l’Europe avait fait du projet Galileo la pierre angulaire de sa nouvelle stratégie spatiale. A force d’hésitations politiques, ce système de positionnement par satellites pourrait se révéler aussi introuvable que la pierre philosophale. L’affaire semblait pourtant bien engagée depuis que, début novembre, les ministres européens de l’Espace avaient adopté une partie de son financement (un demi-milliard d’euros pour lancer la phase de développement). Mais, contre toute attente, leurs homologues des Transports, réunis à Bruxelles le 6 décembre dernier, ont refusé de voter leur quote-part, arguant de la mauvaise visibilité financière du dossier. Une volte-face qui a déclenché l’ire de certains pays.

La commissaire européenne aux Transports, Loyola de Palacio a, quant à elle, montré du doigt les Etats-Unis, qu’elle accuse de torpiller le dossier en coulisses. Quelques jours avant le sommet de Bruxelles, les différents ministres de la Défense ont, en effet, reçu une missive de Paul Wolfowitz, n° 2 du Pentagone. Cette lettre est une mise en garde sur une utilisation de Galileo sur les mêmes fréquences que celles des applications militaires du système américain modernisé de navigation GPS (Global Positioning System). « Un argument recevable, mais pas insurmontable, explique Jean-Claude Guiguet, président du conseil d’administration de l’Agence nationale des fréquences : si Galileo prévoit un signal de sécurité sur la même fréquence que le système américain, sa modulation ne devrait pas perturber ce dernier. »

Au-delà de l’argutie technologique, les Etats-Unis voient en Galileo un concurrent du GPS, jusque-là gratuit et en situation de quasi-monopole. La Russie dispose bien d’un outil similaire, le Glonass, mais, avec six satellites seulement, son fonctionnement demeure aléatoire. « Rien n’assure que le GPS restera gratuit éternellement, renchérit Gilles Gantelet, porte-parole de Loyola de Palacio. L’Europe doit donc se poser la question de savoir si elle veut continuer à dépendre du système américain ou posséder sa propre technologie. » Par ailleurs, l’européen Galileo serait plutôt civil que militaire, avec, par conséquent, un éventail d’applications bien plus large (localisation automobile, gestion du trafic aérien, communications individuelles, services de secours et de protection civile, transport d’énergie, agriculture et pêche), une précision géographique plus grande (de 5 à 10 mètres) et, surtout, une rentabilité immédiate.

En mars ou jamais

Selon une étude réalisée par le cabinet d’audit anglo-saxon PricewaterhouseCoopers, si -pour une constellation de 30 satellites placés en orbite moyenne (autour de 21 000 kilomètres d’altitude)- l’investissement total prévu est de 3,6 milliards d’euros, les retombées économiques attendues seraient cinq fois supérieures (18 milliards). « D’un strict point de vue technologique, l’Europe prendrait plusieurs années d’avance sur le GPS américain, mais, à force de retarder le financement (de Galileo), cet avantage diminue », reprend Gilles Gantelet. Le point critique semble atteint : si une décision n’est pas arrêtée au prochain conseil des ministres des Transports, programmé pour mars prochain, le projet Galileo sera définitivement enterré.

Bruno D. Cot

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire