Rendre à la Ville-Basse sa dimension commerciale

La revitalisation de la Ville-Basse de Charleroi se concrétise. Au programme : un centre commercial, une soixantaine de logements, un hôtel 4-étoiles et une vaste place publique.

On ne l’attendait plus. Et pourtant, les premiers coups de pioche du chantier du projet Rive Gauche, dans le périmètre de la Ville-Basse carolo, pourraient finalement survenir dès l’automne prochain, soit un an et demi plus tard que prévu. Les friches commerciales devraient entre autres céder la place à un vaste centre commercial, des logements et un hôtel haut de gamme. Une bonne nouvelle pour le centre-ville qui se voit déserté à la fois par les commerçants et les chalands depuis plusieurs années. Façades aveugles, vitrines à l’abandon et bâtiments partiellement détruits se sont multipliés.

L’entreprise aura été un vrai casse-tête administratif. Tout commence en 2006, lorsque le promoteur anversois Shalom Engelstein acquiert quelques bâtiments entre les places Albert Ier et Buisset, avant de s’emparer de l’ensemble du bâti de l’îlot. Le permis socio- économique est obtenu en 2009 et les autorisations concernant l’urbanisme et l’environnement sont délivrées à la fin de l’année 2011. C’est à ce moment que les premières oppositions se manifestent. Quelques propriétaires des colonnades, un ensemble architectural séparant le boulevard Tirou de la place Albert Ier, attaquent les deux derniers permis. Ceux-ci sont suspendus devant le Conseil d’Etat courant 2012. En cause : le périmètre de remembrement urbain (PRU) initial ne prévoyait pas le même projet que celui déposé et le dossier déroge aux plans communaux d’aménagement (PCA). La démolition des colonnades n’était, entre autres, pas inscrite au programme.

Une mixité des activités

Aujourd’hui, la donne a changé : la SA Saint-Lambert Promotion – fondée par Shalom Engelstein – et les autorités locales sont parvenues à s’accorder sur une nouvelle mouture du schéma immobilier. L’enveloppe du redéploiement urbain a évolué mais pas sa nature profonde. Une situation qui redonne de l’espoir à Raphaël Pollet, chargé de projet :  » Depuis la fin de l’année 2012, les plans d’aménagement communaux – qui étaient obsolètes – ont été abrogés. Le dossier est maintenant totalement conforme au nouveau PRU adopté en janvier 2013 par le gouvernement wallon en termes d’architecture et d’urbanisme. Nous allons introduire de nouvelles demandes de permis d’ici à fin mai-début juin. Quant à l’étude d’incidences, elle est actuellement en cours.  »

Avec un taux de 20 % de cellules vides à l’heure actuelle, Rive Gauche sera l’occasion de revitaliser ce quartier encore florissant il y a dix ans.  » L’idée est de créer une mixité des fonctions et de faire revenir le commerçant, le chaland et l’habitant « , indique Ornella Censig (MR), ancienne échevine du Commerce. Un centre commercial de près de 64 000 m² (dont 33 000 m² de surfaces locatives), une soixantaine d’appartements, des établissements Horeca, un hôtel de 100 chambres et 700 places de parking souterrain font partie des aménagements envisagés.

De quoi renforcer l’attractivité de Charleroi et générer, selon les estimations des promoteurs, près de 500 emplois.  » Une dynamique positive, souligne le bourgmestre Paul Magnette. Ces investissements privés vont venir compléter ceux des autorités publiques injectés dans le projet Phénix qui prévoit la rénovation des places et voiries. Rive Gauche va rendre sa vocation commerciale historique à la Ville-Basse et redynamisera l’ensemble des quartiers environ- nants. C’est une première étape dans la reconstitution d’un commerce de proximité en centre-ville.  »

L’initiative est largement soutenue par l’ensemble des commerçants, comme l’explique Sophie Colin, directrice de l’ASBL Charleroi CentreVille :  » Elle ne va apporter que du positif. A moyen terme, je pense qu’il faudra s’inspirer d’exemples comme Birmingham qui est parvenue à intégrer son centre-commercial Bull Ring – le plus important d’Europe – en plein coeur de ville.  »

Même son de cloche chez Paul Catoir, président de l’Union des commerçants et artisans de Charleroi :  » En tant que photographe implanté rue du Collège, je suis directement concerné par Rive Gauche et je trouve que c’est une aubaine qu’on vienne réinvestir les friches commerciales. Bien sûr, les gens occupant les colonnades vont être expropriés et en sont mécontents. Mais, si les prix de rachat proposés sont corrects – ce que je suppose -, je ne vois pas de raisons pour qu’une minorité continue à bloquer le projet. La situation est difficile actuellement et le pire serait qu’elle se prolonge encore. J’ai hâte que les travaux commencent.  »

Favoriser la mobilité douce

En termes d’aménagement de l’espace public, l’accent sera mis sur les modes de transport doux. Les liaisons piétonnes entre Ville-Basse et Ville-Haute seront améliorées. Pour ce faire, la place Albert Ier, actuellement monopolisée par un immense parking à ciel ouvert, va se transformer en une place publique prioritaire pour les piétons ; le trafic de transit sur le boulevard Tirou sera réduit et la plupart des voiries alentour seront dénuées de circulation ou de parking en surface.

Grande nouveauté : une passerelle aérienne piétonne enjambera la rue Léopold et reliera l’îlot Buisset au Passage de la Bourse, pour permettre un cheminement commercial entre les deux entités. L’accès au parking souterrain se fera quant à lui sur une seule trémie, du côté de la place Saint-Fiacre. Côté esthétique, quelques aspects ont été modifiés. Les façades ont été épurées : c’est une brique grise contemporaine qui servira de revêtements aux bâtiments, et non plus un enduit. L’espace public deviendra un lieu de vie permanent, et pas seulement lors de l’ouverture des boutiques. Restaurants, plantations et mobilier urbain permettront aux familles occupant les logements alentour de se promener à toute heure de la journée.

Côté timing, le responsable du projet espère débuter les travaux à l’automne. En ligne de mire : inaugurer le centre commercial dans deux ans et demi, au printemps 2016. Malgré l’optimisme d’une grande majorité des acteurs, c’est l’incertitude qui règne.  » Nous sommes très largement soutenus mais les procédures de recours restent encore possibles, ajoute Raphaël Pollet. Cinq personnes occupant les colonnades sont encore opposées au projet, soit parce qu’elles attendent un prix plus élevé pour la vente de leur bâtiment, soit parce qu’elles ont peur des conséquences du chantier. Si nous avons tous les permis en poche mais que de nouveaux recours s’ajoutent, nous verrons si nous prenons le risque de commencer les travaux, selon nos chances de gagner auprès du Conseil d’Etat. La loi nous y autorise.  »

ANNABELLE DUAUT

Objectif 2016, si tout va bien

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