Remue-ménage électoral

A l’approche des législatives de 1993, le gouvernement met les bouchées doubles. Guy Verhofstadt s’attaque à son dada: la réforme du système électoral

Il reste trois « petits » mois d’ici au 15 juillet, date du début des vacances parlementaires: c’est, grosso modo, le temps « utile » dont dispose encore la majorité arc-en-ciel pour achever son programme. Dès la rentrée, toutes les énergies seront consacrées à la campagne électorale. Reste donc à finaliser certains dossiers – réorganisation de la SNCB, simplification des aides à l’embauche, etc. – et à surmonter quelques écueils que l’on devine encore à l’horizon: procédure accélérée dite snelrecht, plan de sécurité, traduction de la réforme de l’impôt des sociétés en projet de loi. Sans oublier les dossiers en voie d’aboutissement au Parlement fédéral, parmi lesquels figure toujours la dépénalisation partielle de l’euthanasie.

Aussi, le Premier ministre Guy Verhofstadt met les bouchées doubles pour boucler certaines réformes qui lui tiennent à coeur. En cette fin de semaine, c’est autour de la réforme du système électoral que se sont focalisées les énergies gouvernementales. Au menu, notamment, la modification de la taille des circonscriptions électorales – couplée à la possibilité, pour un certain nombre de députés, de représenter l’ensemble de leur Communauté -, la réforme du Sénat et l’instauration d’un seuil électoral.

1. Circonscriptions électorales. Verhofstadt veut en limiter le nombre et, par conséquent, en augmenter la taille en leur faisant épouser les contours des provinces. Le nouveau système offrirait plusieurs avantages. D’abord, il gagnerait en cohérence: aujourd’hui, certaines circonscriptions correspondent déjà aux provinces; d’autres sont plus petites. Ensuite, « pareil système favorisera l’émergence de femmes, de jeunes ou d’élus d’origine étrangère », pronostique le politologue Pascal Delwit (ULB). Le terrain de chasse électoral étant plus grand, le nombre de places éligibles agmenterait également: la liste pourrait donc réserver davantage de visibilité aux « nouveaux ». La répercussion la plus visible de cette modification sera néanmoins la « prime à la popularité »: « Elio Di Rupo se présentant en tête de liste de tout le Hainaut recueillera sûrement davantage de voix que celles qu’il pourrait récolter sur le seul territoire de Mons-Soignies », fait observer Delwit.

2. Circonscription unique. On pourrait, en outre, prévoir la possibilité d’attribuer un certain nombre de sièges, à la Chambre, à des députés élus sur la base d’une circonscription unique (à l’échelle, donc, de leur Communauté), comme c’est le cas pour les sénateurs. Histoire d’éviter que les poids lourds politiques se pressent sur les listes sénatoriales pour y faire un gros score, avant de déserter cet hémicycle qui n’est pas vraiment un lieu de décision…

3. La réforme du Sénat. C’est le corollaire du point précédent: le gouvernement planchait, à la fin de cette semaine, sur sa transformation en « vraie » Chambre des entités fédérées, où les Flamands et les francophones seraient représentés à égalité. Une réforme délicate – aura-t-il un vrai rôle politique à jouer ou ne sera-t-il qu’une coquille vide? – qui, en cas d’accord, devra faire l’objet d’une révision constitutionnelle sous la prochaine législature.

4. Un seuil de représentation électorale. Seuls les partis ayant obtenu 5 % des voix dans la circonscription et au niveau régional auraient droit à un siège de député pour une circonscription donnée. Les conséquences d’une telle réforme? Elle empêcherait sans doute la représentation parlementaire des deux petits partis issus de la défunte Volksunie, ferait disparaître l’extrême droite francophone du Parlement et rendrait plus difficile, à l’avenir, l’apparition de nouveaux partis. « Je m’interroge sur les motivations réelles de cette volonté du gouvernement ainsi que sur ses implications », explique Vincent de Coorebyter, le directeur du Crisp. La Flandre – la demande émane d’elle – semble voulir se préserver d’un plus grand émiettement de l’échiquier politique et de l’émergence de phénomènes nouveaux tels que le Vlaams Blok (contre lequel l’instauration du seuil électoral serait d’ailleurs inopérante). Soit. Mais il ne faut pas oublier que ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on éradique la maladie. En outre, poursuit de Coorebyter, « il s’agit là d’une véritable rupture par rapport à la logique de la représentation proportionnelle, intimement liée à l’histoire de la Belgique. Il est étonnant que ce sujet ne suscite pas de débats passionnés ». Etonnant et dommage…

Isabelle Philippon

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