Raids des  » hacktivistes  » turcs

Ils n’endommagent pas votre machine mais y déposent des slogans nationalistes parfois menaçants. Un épisode de la guerre psychologique sur le Net.

Le site d’information régionale Best of Verviers a été fortement perturbé, à la fin de l’année dernière, par des pirates informatiques turcs agissant sous le label  » caprazates.org « . La page d’accueil a été  » défacée  » et lui a été substitué le slogan :  » We are in the service of the Turk Nation  » ( » Nous sommes au service de la nation turque « ).  » Caprazates. org  » n’est que l’un des innombrables groupes de hackers turcs qui pratiquent la guerre idéologique à travers la Toile.  » C’est un sacré nid de jeunes et moins jeunes, entre 14 et 30 ans, qui veulent mettre en avant la suprématie de leur pays, décrit le Français Damien Bancal, rédacteur en chef de Zataz.com, un site d’information sur le piratage informatique. Une excuse pour faire des bêtises, mais les faits sont là : j’estime qu’ils ont modifié au moins 50 000 sites. Certains sont membres du « 1923 ( NDLR : date de la création de l’Etat turc) Türk group », très à droite de la droite turque.  »

Une grande organisation n’a pas trop de difficulté à restaurer sa page d’accueil. C’est moins évident quand le drapeau turc s’abat brutalement sur un club de foot amateur ou une organisation de jeunesse ! Il a fallus plusieurs jours à Christophe Dechêne, ainsi qu’à son équipe d’informaticiens bénévoles, pour remettre sur pied Best of Verviers.  » Maintenant, il est tellement sécurisé que nos chroniqueurs ne parviennent plus à poster eux-mêmes leurs photos « , regrette le webmaster.

 » Les petits-enfants de l’empire ottoman « 

Les ennuis ont commencé lorsque le site verviétois a adopté le logiciel gratuit Joomla. Davantage que le renom de la capitale de l’eau ou un incident local, c’est peut-être ce qui a attiré involontairement l’attention des  » hacktisvistes « . Cette semaine-là, ils ont lancé plus de 7 500 messages chauvins à travers le monde. Rien de personnel, donc.  » Les hacktivistes ne sont pas des voleurs de données ni des gens qui détruisent les logiciels, explique Olivier Bogaert, de la Computer Crime Unit de la police fédérale. Ils diffusent leurs slogans comme d’autres des tracts dans la rue.  » N’empêche. Certaines attaques sont bel et bien dédicacées et, en termes de guerre psychologique, elles font mouche.

Le 14 janvier 2007, la page d’accueil du SPF Défense avait, ô honte, subi un  » défacement  » hostile. Le message s’adressait, menaces à l’appui, à ceux qui soutiennent que les Arméniens ont été massacrés au début de la Première guerre mondiale ou qu’il existe un problème kurde en Turquie. Signé :  » Les petits-enfants de l’empire ottoman « . Le parquet fédéral a envoyé une commission rogatoire internationale en Turquie, mais sans grands résultats.

Depuis lors, d’autres sites ont encore été parasités : police locale de Nivelles-Genappes, CPAS d’Anvers, Agence flamande de l’entreprise (parce que l’Etat belge aurait  » cautionné  » une marche du Parti des travailleurs du Kurdistan). Aucune statistique n’est cependant disponible.  » Nous avons effectivement pu constater que des messages turcs apparaissaient régulièrement sur des sites Internet hackés, reconnaît Tine Hollevoet, porte-parole de la police fédérale. Apparemment, beaucoup de victimes ne déposent pas plainte, ce qui a pour conséquence de compliquer toute intervention des services de police « .

Depuis la guerre de Gaza, les hackers turcs, constituant un véritable baromètre de l’opinion publique de leur pays, inondent les sites officiels étrangers de messages de soutien à la cause palestinienne.

Marie-Cécile Royen

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